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Le penser d'occasion

Par Jmlire

" Les idées de l'homme viennent à l'homme le plus souvent toutes faites ; il les doit aux circonstances, non à lui-même. Il en change sans avoir changé. Il exprime par leur moyen Le penser d'occasionses passions, ses besoins, ses haines, ses craintes ou ses intérêts, non lui-même. Voyez que l'Allemagne est devenue toute entière socialiste en quelques jours à l'automne 1918 et que cette même Allemagne est à l'heure actuelle 90 % nazi ( nous sommes en novembre 1935 lorsque l'auteur parle ) . L'exemple , me dira-t-on, est extrême : il n'est qu'extrêmement visible. L'homme qui voudrait penser purement aurait d'abord à être ; or, il y a très peu d'hommes qui sont. La très grande majorité des hommes n'ont d'existence que fonctionnelle ; ils ont les idées de leurs fonctions, non les leurs. L'homme se défend ; ses idées tendent avant tout à le défendre ; la classe se défend contre la classe, le parti contre le parti. L'unité de la doctrine recouvre une extrême diversité physiologique. On ne pense guère que socialement, ce qui est très exactement ne plus penser. L'homme qui voudrait penser pleinement aurait d'abord à faire table rase de tout ce qui existe autour de lui et en lui-même, ne laissant entrer les idées en lui qu'en les contrôlant avec soin l'une après l'autre et en ne les examinant que quant aux rapports d'authenticité qu'elles peuvent avoir avec son être. C'est bien ce qu'a fait Descartes : Je pense, donc je suis. On ne pense pas d'occasion. "
C.F. Ramuz : " La pensée remonte les fleuves " Terre Humaine Plon 1979


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