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Facebook Le faux compte d'éditeur est là !

Par Goliath @Cayla_Jerome

Il est des mots qui poussent à l'obsession, qui fâchent par trop d'attente ; langueur d'espoir attise le désenchantement et l'auteur se sentant incompris cède à une heureuse voie de garage…

Lorsqu'un auteur à terminé son travail d'écriture et qu'il ambitionne la publication de son œuvre, c'est chargé d'espoir d'étoiles et de lumière qu'il poste son manuscrit vers les grandes maisons d'édition parisiennes. Invariablement il reçoit des lettres de refus courtoises, après un délais raisonnable laissant à penser que le travail est minutieusement étudié, lui expliquant que le programme des publications est déjà plein, que la ligne éditoriale de la maison ne correspond pas à son texte, qu'il trouvera sûrement "son éditeur" pourvu que cela soit un autre…

Comme l'auteur a déjà engagé quelques frais de photocopie et de reliure pour sa prose, avancé les montants de timbre-poste pour les envois et les retours et, que ses finances commencent à s'en ressentir, le nouvel auteur se sent très seul !

Pourtant sa famille et ses amis qui avaient lu son livre le trouvaient bien, le conjoint se disait même fier d'avoir un auteur à son côté, mais alors pourquoi le sort s'acharne-t-il donc ?

De guerre lasse, il s'en va surfer sur Internet, cherchant frénétiquement à percer le mystère des éditeurs, à entrer en contact avec eux, pour comprendre, se justifier et tenter de se vendre.

Il tombe sur bien des sites, envoie des mails, espère des réponses mais déjà ses prétentions baissent d'un cran : les grands éditeurs sont d'un monde inaccessible.

Les petits alors ?

Il repart de plus belle à l'assaut des sites de professionnels et, surprise, obtient une réponse à son énième courrier électronique.

-         Oui, nous somme des éditeurs, une maison sérieuse à compte d'éditeur justement ; parce que vous écrivez ?

-         C'est-à-dire que, j'ai un petit roman sous le bras qu'on me dit joliment tourné…

-         Envoyez-moi ça, je regarderai et vous donnerai mon avis de professionnel ; il ne vous en coûtera rien du tout, je le fais par pure amitié.

Comblé de recevoir les mots qu'il attendait depuis si longtemps, l'auteur en devenir poste par mail son travail. Commence alors la plus longue attente de sa vie, car il a "parlé" avec l'éditeur, ils ont "sympathisé". Au long des jours qui passent, l'éditeur putatif devient une connaissance, un proche, un ami …

La boîte mail est désormais sous haute surveillance, puisque le bonheur viendra par elle.

Après un délai convenable, ni trop long ni trop court, tombe enfin le précieux retour de courrier. Un pincement au cœur, le souffle court et une goute de sueur sur le front, l'écrivain ouvre son message en serrant très fort les fesses :

Bonjour madame Machin,
Mon nom est Fox Goupil, directrice littéraire de Votre Livre Editions.
Je suis heureuse de vous annoncer que votre roman a été accepté pour publication !
Je vous dis à l'avance que nous sommes très sélectifs. Sur 10 documents reçus nous en rejetons en moyenne 9 !
Pour une jeune femme de 25 ans, vous maîtrisez déjà très bien les différents aspects de l'écriture, surtout pour un premier roman. Je ne sais pas si vous connaissez la technique de chute d'un paragraphe, mais vous semblez à tout le moins en comprendre instinctivement le principe.
Votre français est impeccable, la syntaxe est à point, et le discours est mené rondement et sans ambages. C'est le genre de texte qui est du "bonbon" pour un éditeur.
Mon expérience me dit que, si vous persistez, vous êtes promue à un bel avenir en tant qu'écrivaine !

(Celle-là, je ne l'ai pas inventée, elle date de la semaine dernière ! Vrai de vrai ; un sur dix de publié c'est du jamais vu…)

Miracle, le miracle s'est accompli, la reconnaissance arrive enfin. On se précipite pour prévenir la famille, les amis et le village entier ; le Goncourt pointe son nez à l'horizon. Très vite le contrat reçu par mail est signé et renvoyé pour ne pas perdre de temps, pour ne pas risquer un hypothétique changement d'avis.

L'auteur a dans sa hâte oublié de regarder de près le contrat et le site du prétendu éditeur. Lorsqu'il regarde de plus près, il se rend compte que la diffusion est assurée par Amazon seulement et la fabrication du bouquin par LULU.com ! (véridique !)

Amazon est un très bon site d'achat, il n'y a rien à dire de mal sur lui, mais il n'est pas là pour assurer la publicité, ce n'est pas son rôle et sans pub, pas de vente ! Quant-à Lulu.com, rien à dire non plus, ils font bien le travail qui est le leur, faire des livres pour qui le demande.

Notre auteur se voit donc contraint d'acheter ses propres livres à son éditeur, qui prendra une marge de 15 % de frais de gestion sur le tarif de Lulu.com et, cerise sur le gâteau, fera payer des frais d'expédition prohibitifs à l'auteur pour ses séances de dédicace. Sans s'en rendre compte, notre écrivain s'est fait autoédité.

Inutile de discourir longtemps pour comprendre qu'un livre non corrigé et non revu ne risque pas, ou rarement, de faire une belle carrière. Ce genre d'escroquerie se répand plus vite que la peste et la misère sur le pauvre monde.

L'autoédition a le droit de vivre, mais pas à n'importe quel prix, on peut le faire bien et c'est souvent moins coûteux que de le faire mal !


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