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"La dispute" de Marivaux, au Vieux Colombier, par Muriel Mayette

Par Pamina755
Muriel Mayette, l’administratrice de la Comédie française met en scène, au Vieux Colombier, « La dispute » de Marivaux. Cette courte comédie en prose, créée en 1744, fut sifflée à sa création, et peu de metteurs en scène se sont hasardés à la reprendre, excepté Chéreau qui, en 1973, en donna une interprétation légendaire.
Dans cette pièce philosophique, la dispute amoureuse et la mise à l’épreuve des sentiments, thèmes récurrents dans l’œuvre de Marivaux, prennent une forme surprenante, celle d’une expérimentation in vivo dont la cruauté rappelle davantage Sade que les subtils jeux du langage dans «Les fausses confidences » ou « Le jeu de l’amour et du hasard ».
Un Prince (Thierry Hancisse) et son amante Hermiane (Marie-Sophie Ferdane) se disputent à propos de l’inconstance amoureuse et de l’origine de l’infidélité : qui, de l’homme ou de la femme, trahit le premier ? Pour résoudre cette question, le Prince propose d’observer le résultat d’une expérimentation imaginée par son père qui a fait élever des adolescents isolément, sans le moindre contact avec d’autres êtres humains mis à part les deux serviteurs noirs, Mesrou (Eebra Tooré) et Carise ( Bakary Sangaré, travesti en femme). Le Prince et Hermiane observent ces cobayes humains passer de la découverte de soi (et de leur reflet dans un ruisseau) à la découverte de l’autre, tomber amoureux, se trahir, se réconcilier. Le résultat de l’expérience (ou du moins de la manipulation orchestrée par le Prince par l’intermédiaire des deux serviteurs) est sans appel, l’homme et la femme sont voués à une inconstance perpétuelle qui rend impossible l’inscription de l’amour dans la durée.
Si Muriel Mayette a le mérite de présenter une lecture personnelle engagée et claire de la pièce, sa mise en scène présente deux défauts :
Le début de la pièce est trop long et lourd : pourquoi avoir rajouté ce prologue extrait d’autres œuvres de Marivaux alors que l’attaque originale était suffisamment forte et explicite : « Où allons nous, Seigneur, voici le lieu du monde le plus sauvage et le plus solitaire, et rien n'y annonce la fête que vous m'avez promise ? ». En outre, point n’est besoin ici de souligner le trait en faisant débuter la pièce par les râles suggestifs d’Hermiane hors de la scène et la vision d’un Prince débraillé qui se reboutonne : il est question de désir, le texte de Marivaux est suffisamment clair pour que le spectateur le comprenne.
La volonté de démontrer clairement la cruauté de l’expérience du Prince gomme le charme et la légèreté du texte pour n’en retenir que la noirceur. Les jeunes gens ne sont plus que des victimes de la folie du Prince qui les manipulent. Le jeu, trop appuyé, manque de subtilité. Les mouvements saccadés des adolescents proches de l’hystérie (Anne Kessler surtout, qui est pourtant une actrice capable de plus de subtilité) n’expriment rien de la fraîcheur mise en avant par d’autres metteurs en scène. L’innocence des personnages tend à se confondre avec la débilité, notamment quand ils sautent sur place pour exprimer leur joie.
Ceci dit, le texte de Marivaux reste admirable et la troupe, pleine d’énergie.
« La dispute » de Marivaux, mise en scène par Muriel Mayette au Vieux Colombier jusqu’au 15 mars 2009.

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