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"Loin de la terre brûlée", une narration qui s'essouffle

Par Rob Gordon

Après trois scénarii pour Alejandro González Iñárritu et un pour Tommy Lee Jones, Guillermo Arriaga met lui-même en scène son cinquième script. Comme les quatre précédents, Loin de la terre brûlée repose sur une intrigue à plusieurs niveaux, à la narration éclatée. Si on a souvent dit (notamment à propos du très irritant Babel) que le non-respect de la chronologie permettait de donner un intérêt supplémentaire à des intrigues parfois un peu creuses, le principe est ici inversé, l'histoire ayant tendance à se liquéfier rapidement à cause de cette déconstruction forcée. À force de faire de ce type de script sa marque de fabrique, Arriaga semble pratiquer une écriture à la chaîne, où il n'est même plus nécessaire d'évaluer l'apport d'une telle technique de narration pour éventuellement l'utiliser.
C'est bien dommage : raconté dans l'ordre, et donc un peu remodelé, Loin de la terre brûlée aurait pu être un splendide drame au féminin, la bouleversante épopée de deux ou trois générations de femmes. Le problème ici, c'est qu'après trois quarts d'heure d'une mise en place belle et sobre, l'ensemble tourne en rond par la faute de ce fameux procédé. Pas assez tortueux, le film devient alors très prévisible, puisqu'on en connaît déjà la fin et quelques points intermédiaires. L'heure qui suit ne sert alors qu'à mettre au point quelques détails et relier les trois époques entre elles. Dans cette affaire de couple adultère mourant dans l'incendie d'une caravane (et dont on observe parallèlement les causes, les conséquences immédiates et le résultat quinze ans plus tard), on devine trop tôt l'identité de l'incendiaire, le suspense potentiel s'en retrouvant gâché.
Pour autant, Arriaga ne sombre jamais dans ses délires sur le destin, la fatalité ou ce genre de thèmes complètement ridicules quand ils sont traités sans détachement ; son traitement est totalement réaliste, et bien appuyé par une mise en scène élégamment passe-partout. c'est ainsi que l'on pourrait également qualifier les prestations des trois actrices principales (Kim Basinger, Charlize Theron et la jeune Jennifer Lawrence), prodigieuses de sobriété alors qu'elles auraient pu sombrer dans le misérabilisme et le pathos dégoulinant. Qu'on nous fournisse les bobines du film, une paire de ciseaux et de la colle : cela permettra de remonter dans le bon sens ce qui avait tout pour être un très beau film mais pèche par excès de malice stylistique.

5/10
(sortie le 11 mars)
(autre critique sur CineManiaC)


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