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Anthologie permanente : Georges Perec

Par Florence Trocmé

Le mois de mars est celui de la naissance (7 mars 1936) mais aussi de la mort de Georges Perec (3 mars 1982). A signaler tout particulièrement : la parution en poche, dans la collection Points/Poésie, d’un livre de poèmes de l’auteur de La Vie mode d’emploi, Beaux présents belles absentes (voir la présentation de ce livre ici)

À Jacques Vallet

Cela est attesté, cela s’est vu,
cette salve, cet assaut ;
c’est là : telles quelques vésuves éculés,
ces séquelles veuves,
l’ascèse, l’étuve, la vase,
le svelte et le tavelé, le salace, le céleste, l’acculé…

ça cause ça jacte ça se calte ça claquette ça caquette
ça jase ça cavale

Qu’est-ce que c’est que ce casse-tête ?
Qu’est-ce que ça vaut, au juste, ce vécu éclaté ?
Ces classes et ces luttes,
ces sectes, ces castes, ces cultes et ces stèles,
ces cas, ces clauses, ces actes, ces calculs, ces statuts,
ces astuces vaseuses,
avec cette seule tassée veule et lasse
− étau ajusté à cette lutte calleuse,
à ce jeu sec −
ça use, ça cale, ça jute, ça évacue.

Vécu sale,
le calva avalé cul sec – « salut ! ça va ? » −
la lavette à javel, la sauce et le sel.
Vécu esclave,
la suée, la savate, la cuvette, l’écuelle juteuse
t’as vu ça ?
Les squelettes casqués,
la lutte avec tes lacets, avec ta veste, avec ta clé.
Tu t’attelles ? T’es claqué ?
− «  C’est à quel sujet ? » −
Qu’es-ce que t’as vu ?
Ce vécu lavasse et vassal, le stuc, la tutelle,
les caves, les taules,
la salle lavée au jet, les scellés, les valets…

ça valse, ça casse, ça s’étale,
ça veut que tu te lèves, que tu te jettes à l’eau,
et que tu sauves ce tas vétuste :
Catulle et Salluste, l’Escaut et Calcutta, les Slaves et les Valaques, les à-jaquettes et les à-casquettes, le sceau, le casuel, l’autel et la culasse, Ève, Jésus, St Just et Las Casas, la télé, la Callas, Vatel et Jules Vallès, les vestales à la vasque évasée, les Accusés et les Élus,
à la sauvette, à vau-l’eau, à tue-tête, à la queue leu leu,
alea jacta est, au su et au vu, à la va que j’te suce,

Etc.
Tel que.

Jusqu’à ce que ça éclate, que ça casse, que ça saute,
jusqu’à ce que cesse cette quête cauteleuse,
jusqu’à ce que le squale esseulé avale ce vécu calqué,
que la lave têtue scelle ces éclats laqués,
jusqu’à l’escale et l’écluse,
jusqu’à la vallée suave,
jusqu’à la vue

Georges Perec, Beaux présents, belles absentes, Points/Poésie, 2009, pp. 45 à 47, 6 €.

Fiche bio-bibliographique de Georges Perec.

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