Magazine Beaux Arts

Les choix d’une commissaire

Publié le 04 mars 2009 par Marc Lenot

J’aime assez voir dans une exposition la marque d’un(e) commissaire qui regroupe des oeuvres non point sur un thème construit, mais sur la base d’affinités qu’elle perçoit, mais n’exprime pas nécessairement explicitement, à partir, dit Claire Le Restif, d’une “fouille archéologique de ma propre mémoire”. On peut ainsi errer dans les salles et se sentir, ou non, en sympathie avec ses choix, tenter d’y décoder les idées qui lui sont chères (”objets sourds, oeuvres reliques, vestiges”), s’étonner parfois et se réjouir aussi, découvrir sous un jour nouveau des oeuvres pas vraiment vues avant, ailleurs. C’est “Le Travail de Rivière“, au CREDAC à Ivry, jusqu’au 29 mars.

yassefprevieux-arbre01.1236023392.jpg
Ainsi L’Arbre, cette vidéo de Julien Prévieux et Virginie Yassef qui rongent à pleines dents un morceau de saule pourri, action absurde, douloureuse, obstinée : communion avec la nature, sculpture brute, performance aux limites, obsession productiviste, on retrouve les penchants de l’un et de l’autre conjugués ici. La vidéo été montrée ailleurs, je ne l’avais vue que du coin de l’oeil; ici, elle est théâtralisée, il est presque douloureux de s’en éloigner, on veut la revoir encore et encore.

huck-walkingwithoutdersou.1236023379.jpg
De là, on peut rebondir vers ce bâton négligemment appuyé au mur, attendant le flâneur : c’est le bâton du guide chasseur sibérien Dersou Ouzala. Alain Huck, avec ce Walking without Dersou, fait naître la nostalgie, le souvenir, et nous renvoie autrement, vers la nature et l’homme. Son bâton est en plomb, matériau lourd et toxique et s’orne d’un petit sac plastique du type de ceux qui peuplent les décharges et polluent les paysages. Dersou est bien mort.

image1.1236023912.jpg
Faire et défaire, écrire et effacer, c’est l’essence de cette maquette de + and - datant de 1994, de l’artiste palestinienne Mona Hatoum. Cette installation, ensuite réalisée à grande échelle, est plus sensible dans ce petit format, comme un bréviaire de poche, un reliquaire de voyage. Sur cette mer de sable (terre sans peuple ou jardin zen ?), une des languettes entraînée par l’axe central trace des sillons cependant que l’autre les efface quelques secondes plus tard : éternel recommencement, mythe de Sisyphe, évocation aussi peut-être des origines de l’artiste, de cette terre disputée où la volonté d’expansion d’un peuple se heurte à la résistance d’un autre peuple.

1381-017.1236023352.jpg
Maquettes aussi que ces petites sculptures préparatoires de Didier Marcel, préfigurations en plâtre ou en bronze, évoquant là aussi sa proximité à la terre, à la matière( de gauche à droite : Sans titre, 1991; Construction aux trois peupliers, 1989; Construction aux trois têtes, 1989; Sans titre, 1990; Le mouton, 1986).

1381-021.1236023365.jpg
Et enfin, au sol une rareté, sculpture en résine de Yan Pei-Ming, In memory of Mao (2001) : la tête du Grand Timonier émerge du sol, lourde, obsédante.

Photos courtoisie du CREDAC. Didier Marcel et Yan Pei-Ming étant représentés par l’ADAGP, les photos de leurs oeuvres serontôtées du blog dans un mois.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Marc Lenot 482 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte