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Gus Van Sant sort carrément du placard

Par Timotheegerardin
Un coming out généralisé. Il faut dire qu'il avait donné le ton le Sean Penn aux Oscars.

C'est bien, c'est comme une évidence. Le futur a, de toute façon, raison contre vous. "La honte dans le regard de vos petits enfants." On se sent à Nuremberg. Ceux qui font barrage à la triomphante marche vers les droits de l'homme seront jugés par les yeux du futur, par le tribunal de l'avenir radieux. De cet engagement courageux en faveur du Bien, on notera l'argumentation renversante: quand c'est mal c'est pas bien, c'est pas "equal right for everyone". Quel droit, le "droit fondamental pour deux personnes du même sexe de se marier ensemble"? Moi qui croyais que le mariage était une institution... Bref, on peut diffcilement, dans le genre engagement, faire un coming plus out. Il semblerait pourtant que Gus Van Sant y soit arrivé, dans son curieux Milk. Un film terriblement vide. Rien à sortir du placard. Bien sûr, l'intérêt c'est la sortie, pas ce qu'on a (pas) à montrer.
On a souvent reproché à GVS, surtout au moment d'Elephant, de faire un cinéma vide - comprendre sans contenu, sans propos. Sur le massacre de Columbine, on préférait les explications par le menu du gros M. Moore, aux lentes fascination de cet esthète. Pourtant il y avait de la plénitude dans le triptyque formé avec Gerry et Last days. Ce n'étaient pas seulement les films d'un formaliste. Il y avait certes de l'hermétisme dans ces plans fixes, dans ces cotonneux et silencieux travellings, mais ce qui était opaque, c'étaient les pensées, les émotions, la vie des personnages. Dans Elephant, Gus Van Sant avait réussi à donner du mal une image mystérieuse, un indicible secret.
De secret il n'en est plus trop question dans Milk. Au contraire, tout l'enjeu de ce film réside dans la révélation au grand jour. "Sortez du placard!", tel est le slogan politique d'Harvey Milk, tel est le programme de ce film. De l'opaque, on passe à la plus pure transparence. Des inexplicables attirances, on passe à l'organisation politique d'une communauté. L'homosexualité devient une extériorité. On est pd comme on est noir, désormais, et l'oppression se lit comme une fierté sur le visage. Un film militant, quoi. Mais de cette didactique à gros sabots, on ressort avec la désagréable impression que GVS a dévoilé son cinéma, pour ne finalement rien montrer. Car il ne s'agit pas ici d'homosexualité, mais de communauté gay - une communauté comme une autre faisant valoir ses droits. En somme, Gus Van Sant ne fait pas un cinéma vide quand il se laisse fasciner par la forme, mais, paradoxalement, quand il s'entiche d'un propos, d'un sujet.
Elle est pourtant là, la mise en scène. De belles trouvailles, des plans très simples. On n'épiloguera pas non plus sur le jeu, excellent, de Sean Penn. Tout ça est amoindri par un déroulé trop évident, par un discours trop rodé. En fait Gus Van Sant s'est composé un petit Kennedy personnel (his own private Kennedy), un gentil remake des films politiques des années soixante-dix. Après être passé par le cinéma indé, le film de studio, le remake formaliste, il signe une version orientée des Hommes du président. Et c'est aussi son talent, à ce Gus, d'expérimenter les genres.

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