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Faire et défaire c’est toujours travailler - au théâtre cette semaine

Publié le 06 mars 2009 par Rose
atelierUn atelier, juste après la guerre.
Simone y entre comme « finisseuse ».
Il y a Gisèle et ses chansons sentimentales, « ah bien sûr, c’est pas swing, c’est pas zazou… » « T’as qu’à les chanter toi tes conneries d’agitée, au lieu de laisser chanter les autres, c’est facile de se moquer ».
Marie la bien nommée à laquelle on offre un cadeau de mariage, et c’est les « grandes eaux ».
Madame Laurence « mon mari est fonctionnaire, parfaitement et j’en suis fière ! ».
Mimi la grande gueule, la mauvaise langue, la gouailleuse « Toi t’occupe pas du chapeau de la gamine hein… »
Léon le « singe » (le patron), toujours vitupérant : « Toutes les déprimées, toutes les nerveuses, toutes les instables et même les révolutionnaires viennent poser leurs fesses sur mes chaises et font semblant de travailler ; toutes, elles ont un frère, un père, une mère, une sœur, des enfants, un mari et à tour de rôle ça naît, ça meurt, ça tombe malade, qu’est-ce que j’y peux hein, qu’est-ce que j’y peux ? »
Et Hélène sa femme, qui la nuit pousse son mari du coude : « tu dors. Non bien sûr et ça y est c’est parti et tu te souviens celui-là, celle-là… comme par hasard ils sont tous morts et vous savez comment alors elle me parle d’eux et puis après elle pleure, elle pleure et puis elle s’endort mais moi c’est fini, fini, je peux plus dormir, je me lève, je vais dans la cuisine et je hurle… »
Il ne se passe pas grand-chose à l’atelier, la vie s’écoule, les enfants naissent, grandissent, et les déportés ne reviennent pas.
La pièce de Jean-Claude Grumberg, organisée en dix scènes, est un huis-clos où on se dispute une place à la fenêtre, une heure supplémentaire, où l’on s’épanche assez peu – par contre on rit beaucoup, dans la grande tradition théâtrale des disputes fleuries et des chefs/pères/autorités ridiculisés (le patron n’en vient-il pas à se cacher sous la table pour échapper à un client, dans la tradition des vieillards bernés de Molière ?). Les travaux de fil sont la métaphore des liens qui se tissent entre ces êtres d’abord rugueux (Simone avoue que c’est au travail qu’elle se change les idées, elle qui ne pleure jamais devant ses enfants).
Si les fortes personnalités de Léon et de Mimi assument l’essentiel de la dimension comique de la pièce, celle-ci prend parfois, au détour d’une réplique, un ton plus grave. On attend un déporté, et faute de le revoir, lui, on cherche à lui donner une « existence » légale, à officialiser sa mort, on se démène pour des papiers… Mais sur le modèle de Beckett, ce n’est plus à une « action » que nous assistons (tout s’est déjà passé avant, et toute action est dérisoire à côté de ce qui a eu lieu), mais à des scènes anodines et pourtant révélatrices, qui tiennent à distance l’émotion, pour mieux la faire éclater.

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