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Cent fusils

Par Inisfree

100 rifles (Les cent fusils), tourné en 1969 par Tom Gries, est de ces films qui me faisaient grimper aux rideaux quand j'étais petit. Tout en me doutant de la réponse, je me demandais comment il avait passé toutes ces années dans un coin de mon souvenir. Pas de surprise, il reste un spectacle agréable et enlevé tout en se révélant un film bien médiocre. 100 rifles est de ces westerns d'aventures situés au Mexique, au début du 20e siècle traversé de secousses révolutionnaires. C'est aussi l'un de ces westerns hollywoodiens qui pillèrent à l'époque les formes du western italien, ses trucs et ses tics, espérant bénéficier de son succès. Il faut se rendre à l'évidence, le western américain entre 1964 et 1969, à quelques exceptions brillantes, quelques derniers feux de grands maîtres, est au fond du trou tandis que son confrère italien livre ses plus beaux fleurons. Donc on imite et Tom Gries, par ailleurs réalisateur d'un estimable Will Penny (1968), déballe la panoplie : Il y a un train, des mitrailleuses, une armée mexicaine impitoyable dirigée par un général sadique (Fernando Lamas), un conseiller militaire allemand, des péons opprimés en tuniques blanches et sales (ici des indiens Yaquis, mais c'est du pareil au même), les étendues désertiques d'Alméria, de la dynamite, des exécutions capitales et un passage à tabac. Et puis aussi un héros gringo qui fera sa prise de conscience en faveur des révolutionnaires, un héros paysan un peu truand mais grand coeur et une passionnaria habile à la gâchette.

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L'originalité, c'est qu'ici le gringo est un noir, joué par Jim Brown au charisme certain. Lyedecker est un shérif lancé sur les traces du voleur de banque Yaqui Joe (Burt Reynolds, moustache flamboyante et sombrero) comme Lee van Cleef se lançait à la poursuite de Tomas Milian dans le Colorado de Sergio Sollima. Bon, Yaqui Joe a volé une banque américaine pour payer des armes (les cent fusils) à la guérilla indienne menée par la belle Sarita, très belle Raquel Welch. Curieusement, et malgré quelques allusions, le film n'exploite pas tant la thématique du racisme. D'une façon générale, le film annonce la couleur avec sa phrase publicitaire : « Ce film a un message : faites gaffe ! ». Avec ça... Peut être que les actes se suffisaient d'eux-même. L'étreinte vigoureuse entre Brown et Raquel Welch, une première dans le cinéma grand public, reste une date dans la représentation des noirs dans le cinéma hollywoodien. La scène est plutôt jolie et le choc de ces deux beautés est l'un des sommets du film. Entre les deux, Reynolds fait le guignol, déjà très loin de son personnage de Navajoe Joe (1966) de Sergio Corbucci. Il est également assez loin des compositions équivalentes données par Tomas Milian, Eli Wallach ou Tony Musante. Il reste le faire-valoir du héros américain, quand bien même celui-ci est noir. On ne lutte pas contre sa nature.

L'héroïne de la révolution, c'est donc Raquel Welch. Ah ! Raquel... Elle est magnifique, pur fantasme adolescent. Mais elle est aussi crédible en indienne yaqui qu'au milieu des dinosaures de la Hammer films. Elle se situe dans la ligne des beautés terriblement anachroniques du western américain de l'époque : Bibi Andersson, Candice Bergen, Senta Berger... On se dit que le sous prolétariat mexicain a bien de la chance de compter de si belles femmes dans ses rangs. Je me demande ce qui attirait les réalisateurs de l'époque vers ces types plutôt européens, plutôt nordiques. Seul Sam Peckinpah a fait l'effort de trouver un prétexte. On pourra préférer les belles brunes Giovanna Ralli, Martine Beswick, Chelo Alonzo ou Nicoletta Machiavelli un peu pus adaptées à ce genre d'histoires.

Reste que c'est dans ce film que Raquel Welch arrête un train de l'armée en prenant une douche sous un réservoir d'eau. En chemise, hein, mais ce n'en est que plus excitant. La séquence est d'anthologie. L'eau était peu être froide, mais Raquel a une façon de bouger très nature, qui tranche avec son jeu corporel le reste du film. Elle dégage, pendant ces quelques instants, une vitalité exceptionnelle.

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Pour le reste, la mise en scène est plate, sans aucune de ces inventions de cadre ou de montage qui me ravissent chez les italiens. Peu d'emploi de la profondeur de champ, la caméra est à l'endroit de l'action mais se contente de l'enregistrer sans chercher à la sublimer. Absente. Le montage est pépère, accélérant doucement lors des scènes d'action. L'arrivée du train dans la ville, par exemple, n'est spectaculaire que pour ses effets pyrotechniques. On est loin de l'attaque du train turc chez David Lean. La photographie de l'espagnol Cecilio Paniagua est à l'avenant, sans relief, ne faisant ressentir ni la sueur des visages, ni la poussière du désert. Soyons juste, les très gros plans sur le visage de Raquel Welch lors de l'étreinte, légèrement voilés, dégagent quelque chose de sensuel et violent. C'est déjà ça.

Au crédit du film, la partition de Jerry Goldsmith. Dans les années 60, ce grand compositeur a donné quelques belles musiques à des westerns moyens, contribuant à les garder en mémoire : Bandolero, Rio Conchos, le remake de Stagecoach, le Rio Lobo de Hawks. Goldsmith y renouvelle le genre, arrivant à se dégager des canons des grands anciens sans tomber dans la parodie du style d'Ennio Morricone. Ses partitions sont rythmées, basées sur une thème principal fort, du genre que l'on peut fredonner en sortant de la salle (très important, ça). Tempo vif, accents jazz et pop, guitare folk (l'ouverture de Rio Lobo est superbe), c'est enthousiasmant et, avec Raquel Welch, la trop courte apparition de Soledad Miranda et le torse de Jim Brown, les raisons essentielles du plaisir pris à 100 rifles.

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Photographies : captures DVD 20th Century Fox (en zone 1 hélas).


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