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Les aventures d'Huckleberry Finn...

Par Sylvie

De MARK TWAIN

ETATS-UNIS -1884
Les aventures de Huckleberry Finn
Nouvelle traduction de Bernard Hoepffner, 2008

Si Tom Sawyer était encore un récit d'enfance traditionnel, écrit à la troisième personne du singulier, Huckleberry Finn marque clairement une rupture : il s'agit d'un récit écrit à la première personne, par un gamin quasiment illettré, qui utilise les expressions locales de la région du Mississippi.

En introduisant pour la première fois le langage parlé dans la littérature, Mark Twain signe une oeuvre fondamentale. A tel point qu'un sondage récent du magazine Time, réalisé parmi 120 auteurs anglo-saxons classe ce récit parmi les cinq plus grands romans de l'Histoire...et qu'Hemingway disait que l'on a rien fait de mieux depuis !
Le langage parlé, c'est la spontanéité et aussi une étude très poussée du dialecte des nègres du Missouri : la traduction reprend admirablement l"'accent nègre". L'introduction d'un tel langage dans la littérature en 1884 équivaut à la révolution entreprise par Céline et Queneau dans les années 30.
Huckleberry Finn marque l'entrée de la littérature américaine dans l'ère du réalisme ; si Tom Sawyer était un récit d'enfance mettant au premier plan l'aventure et les jeux, ce récit quant à lui décrit les aventures d'un jeune vagabond le long du Mississippi et sa fuite avec un esclave Jim. Tout au long du voyage, il interrogera sa conscience pour savoir s'il doit ou non dénoncer le nègre marron. Les aventures de Hucckelberry Finn, c'est d'abord l'éveil d'une conscience anti-raciste (certes, Huck déclare que Jim a un coeur blanc dans un corps noir !) et une remise en cause de l'ordre social de cette époque. Car en s'enfuyant de chez lui et en refusant la "sivilisation", Huck prône un style de vie en marge, loin de la société conservatrice de ces années.
Mark Twain reprend ici la tradition picaresque en donnant le premier rôle aux marges, aux bandits et aux vagabonds.

A souligner que dans ce roman, Tom Sawyer incarne toujours le monde de l'enfance et de ses croyances. Il est d'ailleurs clairement fait référence à Don Quichotte, le plus célèbre idéaliste de toute l'histoire de la littérature. Tom Sawyer croit attaquer des carrosses alors qu'il ne s'agit que de charrues ! Le plus bel épisode de ce récit et la plus belle référence au Quichotte est sans aucun doute la préparation de l'évasion de Jim, l'esclave prisonnier. Tom, pétri d'aventures livresques, lui livre tout un tas de "symboles" pour qu'il vive vraiment une vie de prisonnier qui rentre dans l'histoire : scier un barreau du lit ou creuser un trou avec des couteaux par exemple !
Ce côté plus réflexif, plus noir de l'oeuvre ne doit pas en faire pour autant oublier le caractère extrêmement divertissant et drôle du récit. Rencontres de pirates croyant aux fantômes, deux bandits se croyant pour Louis XVI et surtout la formidable évasion fabriquée de l'esclave Jim. Un très grand moment de littérature, à la fois un rêve d'enfant et d'aventure qui se réalise, un jeu, et une remise en question de l'ordre établi quelques années après la guerre de Sécession. Ce passage admirable est à mettre dans une anthologie des récits d'évasion ! A la fois récit de jeu, parodie de Don Quichotte et récit à portée politique, la dernière partie réalise de façon géniale la synthèse du pur récit de divertissement et et de la dénonciation la plus brutale. Le tout raconté avec un humour sans faille (le lecteur n'oubliera pas de si tôt les efforts vains de Jim pour contrecarrer toutes les frasques de Tom et Huck).
Soulignons encore une fois le travail du traducteur qui n'hésite pas à mélanger néologismes et expressions "jeuns" d'aujourd'hui pour produire un effet de réel. Du grand art.


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