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"Watchmen-les gardiens"

Par Loulouti



Indiscutablement c'est le film que j'attendais le plus en cette année cinéma. Je regrette que les grandes sagas soient derrière nous. Qu'elles semblent bien lointains la Terre du milieu et l'univers des Jedis. Les fans du 7ème art ont besoin de projets qui les font rêver, fantasmer, qui ouvrent de nouvelles perspectives et qui entretiennent le feu sacré qui brûle en nous.
"Watchmen-les gardiens" est à la base un roman graphique scénarisé par Alan Moore et mis en images par Dave Gibbons. C'est Zack Znyder, réalisateur déjà légendaire avec "300" qui s'est chargé de la lourde mission de transposer à l'écran ce projet titanesque.

Nous sommes en 1985, Nixon est toujours Président des Etats-Unis d’Amérique et le pays est au bord de l’holocauste nucléaire, menacé par l’U.R.S.S l’éternel rival. L’horloge de l’Apocalypse est arrêtée sur minuit moins cinq, signe que la fin est proche. Dans cette réalité alternative, les super héros appartiennent au quotidien de la population. Mais depuis quelques années, les Watchmen, les gardiens, ont du ranger leurs masques et leurs costumes  au placard, la faute à une loi ne tolérant plus leur existence. Devenus retraités, chaque membre de l’ancienne légion de Justiciers est parti dans une direction opposée.

L’un des gardiens, surnommé le comédien (Jeffrey Dean Morgan) est assassiné. Rorschach, (Jackie Earle Haley)  justicier masqué décide de mener l’enquête. Il reprend contact avec les anciens comparses à savoir le Hibou (Patrick Wilson), Spectre Soyeux II (Malin Akerman), Ozymandias (Matthew Goode) et le Docteur Manhattan (Billy Crudup).

Une terrible menace pèse sur ces Justiciers. Un sordide complot se trame dans l’ombre. L’existence de la race humaine est en jeu.

Petite précision avant d’entamer ma chronique en elle-même du film : je n’ai pas lu le roman graphique. Mes remarques sur telle ou telle bonne idée ne fait référence qu’au long métrage, même si à la base le mérite en revient certainement au matériau d’origine.

"The Dark Knight" a ouvert de nouveaux horizons il y a quelques mois à peine, "Watchmen" enfonce le clou d’une façon prodigieuse. Non les super héros ne sont pas que d’éternels triomphateurs, ils peuvent également avoir leur côté sombre, leurs doutes, commettre des erreurs et se comporter comme celles et ceux qu’ils combattent.  L’image traditionnelle véhiculée par les légendes urbaines depuis des lustres est brisée nette. L’archétype du super héros est envoyé ad patres sans autre forme de procès.

La première réussite du long métrage est d’ancrer les événements dans une Amérique uchronique, un espace-temps recomposé en mêlant des personnages et des situations on ne peut plus réelle et de la fiction pure. L’ensemble fonctionne à merveille. Un univers alternatif propice à toutes les audaces scénaristiques et de mise en scène.

Ce parti pris est l’un des axes majeurs de l’œuvre. Fiction et réalité sont étroitement liées. Les super héros, terme un peu abusif car seul le Docteur Manhattan a des pouvoirs qui l’assimilent à un Dieu vivant, font partis de l’existence de la société américaine. Ils luttaient contre le crime mais la population leur a tourné le dos. Leur retour se fait dans des circonstances dramatiques : l’un des leurs est mort dans d’étranges circonstances et l’Amérique de Nixon est sur le point de connaître le feu nucléaire.

Le long métrage est bâti sur plusieurs temps. Les allers retours entre présent (alternatif) et passé sont nombreux mais absolument pas étourdissants. Nous revenons sur l’histoire et le destin des Minutemen en 1940, les devanciers des Watchmen dans une scène d’ouverture d’une rare force. Jack Snyder joue de ces télescopages temporels et inscrit les clés de lecture des événements actuels dans une réalité antérieure. A ce couple passé présent on pourrait également ajouter le futur avec les visions prophétiques du Docteur Manhattan.

Je le disais plus haut, l’approche des Super Héros a sensiblement évolué depuis quelques temps. Auparavant les créateurs avaient peur d’abîmer l’image quasi christique de figures légendaires. Ces hommes et ces femmes de l’Amérique devaient incarner des modèles pour les jeunes américains, des exemples à suivre. Les héros luttant contre le mal symbolisaient des valeurs consensuelles et positives. Le courage des productions récentes est d’écorner volontairement cette image devenue bien vide de sens. En donnant un côté sombre aux nouveaux super héros, les décideurs d’Hollywood ont considérablement épaissis la personnalité de leurs créatures et les possibilités qui s’offrent à eux.

Ces Watchmen sont vraiment des individus complexes et bien ambigus. Spectre Soyeux II entretient des relations particulières avec sa mère, le Comédien est un salaud de la pire espèce alors que Rorschach  inquiète par la douce folie qui sommeille en lui. Quand ces personnages entrent en action, nous avons le droit à un déchaînement de violence assez incroyable, à des moments assez gore quand même.

Sur la forme nous baignons dans un décorum bien sombre. L’Amérique des Watchmen est glauque. Le climat est pesant. Le monde est au bord du chaos et la ville baigne dans un ambiance quasi insurrectionnelle.

La palette des couleurs tire vers les nuances d’un noir profond, seuls tranchent le jaune vif du costume latex de Spectre Soyeux II et le bleu irradiant du Docteur Manhattan.

"Watchmen" est aussi un long métrage d’action doté de scènes spectaculaires (l’évasion de Rorschach de la prison). Il y a de la vitesse, du rythme, de l’intensité dans ces moments là. Le duel final est stylisé au possible. L’intervention du Hibou et du Spectre Soyeux II arrive comme la cerise sur le gâteau. Pendant les deux tiers du long métrage les Watchmen n’apparaissent qu’au travers de flash back et de souvenirs évoqués. La reformation éphémère de quelqu’uns de ces gardiens est l’un des sommets du film, le moment de panache attendu par les fans.

La performance vocale de Billy Crudup vaut à elle seule le déplacement. Masqué par l’apparence de l’imposant Docteur Manhattan figé dans son inexpressivité faciale, l’acteur réussit l’incroyable prestation de nous tenir en haleine et de susciter une émotion d’une rare intensité lors d’une incroyable séquence de confession sur la planète mars.

Zack Snyder nous étourdit par des mouvements et des angles de caméra savamment maîtrisée. Il joue aussi avec la vitesse des images. Son utilisation du ralenti, parfois abêtissante ailleurs, convient à merveille à ce type de longs métrages.

La plus grande des réussites de Zack Snyder est sans doute d’avoir convaincu (en partie) les producteurs de lui laisser mettre en scène un film à la durée adéquate. Car le réalisateur prend son temps ici, c’est indéniable. Les deux heures quarante (j’ai même entendu parlé d’un Director’s Cut de trois heures trente)  lui permettent de nous présenter chaque personnage avec le maximum de renseignements, d’asseoir n’importe qu’elle  situation et d’ancrer les événements dans un tissu plus dense. Son film n’est pas au rabais et il ne manque pas ça ou ça.

Le casting est éblouissant. Jackie Earle Haley impose sa marque dans le rôle de Rorschach. Malin Akerman nous fait rêver dans son joli costume jaune, Jeffrey Dean Morgan est troublant en Comédien, Patrick Wilson et Matthew Goode imposent un professionnalisme de tous les instants et Billy Crudup nous charme au son de sa voix.

"Watchmen" était réputé inadaptable. Force est de constater que Zack Snyder a su relever le défi de main de maître. Son long métrage est gonflé, démesuré, audacieux. Même si je n’ai pas lu le roman graphique, je me suis largement documenté et il apparaît que le metteur en scène est resté très fidèle à l’œuvre de Moore et de Gibbons (découpage par exemple). Il me tarde de me procurer le comic book.

"Watchmen-les gardiens" nécessitera sûrement plusieurs visionnages tant le long métrage fourmille de détails, de clins d’œil vintage, de références, de renvois.

L’œuvre est tellement dense qu’on à l’impression de s’y noyer. A moi d’essayer de surnager et surtout de rester vigilant. 


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