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Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Carlos Fuentes

Par Irigoyen
Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Carlos Fuentes

Préparant mes interventions pour le prochain Salon du Livre à Paris qui met le Mexique à l’honneur cette année, j’ai pris, à la médiathèque André Malraux de Strasbourg, des ouvrages d’auteurs venus de ce pays comme Octavio Paz, Carlos Fuentes … mais je ne voulais pas rentrer à la maison sans prendre dans ma besace un DVD de Jorge Luis Borges

Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Carlos Fuentes

Votre culture étant immense, vous me rappellerez que ce dernier était en fait argentin … ce qui, à vrai dire, ne m’avait pas échappé … loin de moi l’idée d’englober la littérature latino-américaine sous une même bannière … si j’évoque aujourd’hui cet écrivain et poète c’est parce que de nombreux auteurs mexicains se réfèrent à lui … n’étant pas assez connaisseur de son œuvre, je me garderai de tout commentaire …

En revanche, je parlerai plus volontiers de ce DVD intitulé « Una vita de poesia » signé Fernando Arrabal, datant de 1998 et mêlant extraits de films et discours de Borges prononcés à la toute fin de sa vie … j’aime les patriarches quand ils nous incitent à la réflexion au lieu de jouer les sentencieux … quel délice, donc, d’entendre le maître s’exprimer en espagnol ou en français et parler pêle-mêle de sa méfiance pour les théories artistiques, l’abandon d’un écrivain au plaisir de rêver, de l’importance de nos affinités plutôt que de celle de nos différences … j’éprouve un très grand bonheur à l’écouter nous dire : « Œuvrons comme si nous étions immortels. » ou encore « Le réalisme s'oublie, pas le mythe. ».

Magnifique intervention également que celle d’Octavio Paz en 1990, en Suède, lors de la réception du Prix Nobel de littérature …

Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Carlos Fuentes

Et j’en reviens au début de cette chronique à propos de la littérature latino-américaine qui ne saurait être uniforme … Octavio Paz dit son sentiment d’être espagnol – bien que mexicain – parce qu’il se sent en osmose avec des écrivains comme Lope de Vega et Quervedo : « Les langues sont des réalités plus vastes que les entités politiques et historiques que nous appelons nations. »

Il qualifie sa langue de « transplantée », comme une fleur que l’on aurait arrachée à son environnement naturel pour la faire pousser ailleurs … et il est vrai que ce nouvel idiome se distingue de la langue du pays d’origine … il me semble, à ce propos, que nous ne regardons pas assez du côté des autres littératures de langue française …

Pour appuyer sa thèse concernant les langues transplantées, Octavio Paz dresse un parallèle entre les littératures anglo-américaine et latino-américaine. « L'une vient de la Réforme, l'autre de la Contre-Réforme. Toutes deux sont excentriques mais différemment. L'excentricité anglaise est insulaire et se caractérise donc par son isolement. Il s'agit d'une excentricité par exclusion. L'excentricité hispanique est péninsulaire et consiste dans la coexistence de diverses civilisations et de passés différents : une excentricité par inclusion. »

Dans ce très court texte dont la version originale se trouve après la traduction on trouvera aussi une réflexion sur le rapport qu’entretient le Mexique au temps, à l’histoire, la révolution – celle de 1910 qui fut suivie par une guerre civile - : « La révolution mexicaine n'a pas été l'œuvre d'un groupe d'idéologues décidés à promouvoir quelques principes dérivés d'une théorie politique, mais un soulèvement populaire qui a mis en lumière ce qui était caché. Plus qu'une révolution peut-être c'était une révélation. Le Mexique cherchait le présent au-dehors et voilà qu'il le trouvait en lui, enterré mais vivant. La quête de la modernité nous a conduits à la découverte de notre antiquité : le visage voilé de la nation. »

Cette interrogation indirecte sur le temps, nous la trouvions dans le livre de David Toscana, « El último lector » dont je vous avais parlé précédemment - et que j’aurai le privilège d’interviewer porte de Versailles vendredi 13 mars - … Cette préoccupation se retrouve aussi ici ...

Jorge Luis Borges, Octavio Paz, Carlos Fuentes

« Au Mexique, tous les temps sont vivants, tous les passés sont présents. Nos temps s’étalent sous nos yeux, vêtus de capes impures, chargés d’angoisses rebelles. Nous livrons une double bataille : contre un temps qui nous divertit également, se retourne contre nous, nous subvertit, nous convertit constamment.

La coexistence, au Mexique, de niveaux historiques multiples n’est que la manifestation d’une décision inconsciente profonde prise par le pays et ses habitants : tous les temps doivent être maintenus, tous les temps doivent être gardés vivants. Pourquoi ? Parce que aucun temps mexicain ne s’est encore accompli. Nous sommes un horizon de potentialités latentes, prometteuses ou frustrées, jamais pleinement réalisées. Un pays de temps suspendus. Le poète López Velarde voit dans l’histoire mexicaine une série d’ « Edens subvertis », que nous voudrions simultanément récupérer et oublier. »

Plus je lis des textes en provenance du Mexique, plus j’ouvre grand mes yeux … j’attends avec impatience de pouvoir rencontrer ces auteurs venus d’un pays que je connais si peu …


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