Magazine Culture

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Par Irigoyen
Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Il y a deux cents ans jour pour jour naissait Edgar Poe ... l'occasion, pour votre serviteur, de relire une partie de ses fameuses « Histoires extraordinaires » que, plus jeune, j'avais déjà étudiées au lycée ... replonger dans cette œuvre fut un moment tout à fait délicieux ... d'abord parce que j'avais oublié la difficulté de lire une langue magnifiquement traduite par Charles Baudelaire – j'ai préféré relire les textes en français - ... ensuite, parce que je mesure mieux désormais l'influence qu'a eu l'écrivain sur d'autres hommes de lettres ...

Les « Nouvelles histoires extraordinaires » me frappent même davantage car, avec elles, il me semble que le lecteur entre tout de suite dans l'univers lugubre, morbide, angoissant de Edgar Allan Poe ... certaines sont lues sur des CD audio ... vous pouvez faire comme moi et écouter le texte tout en lisant le livre ... les effets sont ainsi démultipliés ... Exemple ici avec « Le Puits et le Pendule » édité chez « Des oreilles pour lire » et lu par Serge Djen qui a opté pour une certaine neutralité dans la voix ... une démarche qui, du coup, laisse le texte s'imposer de lui-même dans tout son côté effrayant ...

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Un homme est condamné à mort par un tribunal de l'Inquisition ... Il s’évanouit à la sentence ...

Mais cependant, je ne dirai pas que j’eusse perdu toute conscience Ce qu’il me restait, je n’essaierai pas de la définir, ni même de le décrire ; mais enfin tout n’était pas perdu. Dans le plus profond sommeil, - non ! Dans le délire, - non ! Dans l’évanouissement, - non ! Dans la mort, - non ! Même dans le tombeau tout n’est pas perdu. Autrement il n’y aurait pas d’immortalité pour l’homme. En nous éveillant du plus profond sommeil, nous déchirons la toile aranéeuse de quelque rêve.

Il se réveille alors dans une cellule où il semble promis à l’inéluctable ... Est décrit ici un environnement où règne la torture mentale ...

Chez Poe, comme le souligne d'ailleurs Tzvetan Todorov dans la préface des « Nouvelles histoires extraordinaires » publiées chez Folio, « toute certitude est dans les rêves » ...

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Très intéressant texte que celui du philosophe bulgare en particulier lorsqu'il évoque le goût d'Edgar Allan Poe pour « la méchanceté naturelle de l'Homme. Il y a dans l’homme, dit-il, une force mystérieuse dont la philosophie moderne ne veut pas tenir compte ; et cependant, sans cette force innomée, sans ce penchant primordial, une foule d’actions humaines resteront inexpliquées, inexplicables. Ces actions n’ont d’attrait que parce que elles sont mauvaises, dangereuses ; elles possèdent l’attirance du gouffre. Cette force primitive, irrésistible, est la Perversité naturelle, qui fait que l’homme est sans cesse et à la fois homicide et suicide, assassin et bourreau »

Pour s'en convaincre, il suffit de (re)lire « Le démon de la perversité » mais aussi « Le Chat noir » qui figure sur un autre CD également édité par « Des oreilles pour lire » ...

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Ici, un homme semble succomber à l'envoûtement de son chat ... et cet envoûtement l'amène à tuer sa femme ...

Je crois que la perversité est une des primitives impulsions du cœur humain, - une des indivisibles premières facultés ou sentiments qui donnent la direction au caractère de l’homme. Qui ne s’est pas surpris cent fois commettant une action sotte ou vile, par la seule raison qu’il savait devoir ne pas la commettre ? N’avons-nous pas une perpétuelle inclination, malgré l’excellence de notre jugement, à violer ce qui est La Loi, simplement parce que nous comprenons que c’est la Loi ? Cet esprit de perversité, dis-je, vint causer ma déroute finale.

Il faut voir avec quelle minutie Edgar Allan Poe décrit la naissance de la perversité ... celle-ci gangrène tellement le cerveau que tout retour à un état antérieur semble impossible ... et si cela fait mouche c'est bien parce que l'auteur a opté pour la nouvelle où il s'agit plus qu'ailleurs, sans doute, de ne pas laisser de temps « mort » ...

Figure aussi sur ce CD une autre nouvelle dont on peut mesurer l'analogie avec la précédente, « Le cœur révélateur » ... le titre même est d'ailleurs très intéressant ... s'il y a une incontestable fascination pour le morbide c'est en tant qu'il oblige à mettre en lumière les côtés sombres de l'âme pour, à mon avis, regarder en face la plus sombre d'une personnalité ... je vois donc l'auteur davantage comme quelqu'un qui dissèque ses patients pour voir où commence le mal, où cela commence à pécher ...

Dans « Le cœur révélateur » ce n'est pas une femme qui meurt assassinée mais une vieillard, espionné nuit après nuit ... le narrateur vient au plus près de sa victime, pour mieux l'entendre respirer avant de se livrer à sa basse besogne ...

La nuit avançait, et je travaillai vivement, mais en silence. Je coupai la tête, puis les bras, puis les jambes.

Puis j’arrachai trois planches du parquet de la chambre, et je déposai le tout entre les voliges.

De mort il sera également question dans « Le portrait ovale », troisième nouvelle à figurer sur ce CD ... ici, un peintre finit par tuer sa femme à force de peaufiner le portrait qu’il fait d’elle ...

Bon anniversaire Edgar Allan Poe

Si Edgar Allan Poe décrit avec un tel brio des personnages entrés dans le monde extra-ordinaire de la folie et qui, du coup, ne peuvent plus échapper à la pulsion meurtrière, il montre bien aussi que la maladie a une existence propre et tisse lentement et sûrement sa toile ...

La preuve avec « Le Masque de la Mort Rouge », où les occupants d'un château vont périr de la peste qui réussira à franchir les portes de ce qu'ils pensaient être une forteresse les protégeant du monde extérieur ...

Son avatar, c’était le sang, - la rougeur et la hideur du sang. C’étaient des douleurs aigües, un vertige soudain, et puis un suintement abondant par les pores, et la dissolution de l’être. Des tâches pourpres sur le corps, et spécialement sur le visage de la victime, la mettaient au band de l’humanité, et lui fermaient tout secours et toute sympathie. L’invasion, le progrès, le résultat de la maladie, tout cela était l’affaire d’une demi-heure.

A suivre ...


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Irigoyen 43 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines