En salles : Autant l’avouer tout de go : je ne suis pas un inconditionnel de Gus Van Sant. Cinéaste un peu putassier (cf Psycho), poseur et chichiteux (cf Last days), opportuniste (cf Will Hunting). Voire carrément mauvais : Even cowgirls get the blues, un nanar auteuriste et foutraque. Le cinéaste a cependant la cote de ce côté de l’Atlantique, surtout depuis sa Palme d’Or obtenue en 2004.
A côté de ça, il faut bien lui reconnaître une bonne dose d’audace. De culot. Et de talent. Gerry et My own private Idaho constituant des sommets de cinéma et d’émotion. Alors, avec Harvey Milk, de quel côté GvS bascule-t-il ? Ce coup-ci, il touche en plein dans le Milk !
Regard et respect
Meilleur compromis possible entre le biopic et le film d’auteur, ce portrait du premier politique gay à accéder à des fonctions municipales aux US évite tous les travers du biopic à la Oliver Stone : pas d’explication pseudo-psychanalytique, pas d’anicroches temporelles, pas de manichéisme simplificateur, pas de performance plombante à la Anthony Hopkins. Bref, pas d’esbrouffe, pas de complaisance, tout le contraire ! Quand on songe que c’est l’auteur de JFK qui avait été un temps pressenti, avec Robin Williams dans le rôle-titre…
C’est le regard que porte Gus Van Sant sur la trajectoire de ce personnage et de la communauté gay de San Francisco qui force le respect : pas de militantisme, pas de nostalgie, juste une extrême douceur, voire une certaine érotisation. Ce qui constitue la patte d’un grand cinéaste, qui, pour une fois, aborde son sujet avec humilité, respect. Et amour. A l’instar du meurtre final filmé de la même manière que les étudiants déambulant dans les couloirs de Colombine dans Elephant. Ou de Harvey Milk, filmé en contre-plongée dans la blancheur quasi abstraite du City Hall, tel Gerry en son désert. Ou Harvey et son amant filmés avec la même compassion et ce même sentiment d’inéluctable que River Phoenix se confiant à Keanu Reeves autour du feu dans My own private Idaho
Rayonner et faire rayonner
Surtout, Gus Van Sant réalise un vrai film politique, où il parvient à combiner l’intime et le collectif, le statique et le mouvement, le détail et l’épique. En ce sens, sa mise en scène épouse les ressorts de l’action de son héros, au cœur de l’intime et du collectif. Et 100 fois, oui, il livre là le 1er film de l’ère Obama, ruse de l’histoire ou pas (cf la critique des Inrocks) !
Enfin, en la personne de Sean Penn, il a su trouver l’interprète idéal, celui qui ne tire jamais la couverture à lui pour laisser place à ses partenaires, avec pour seul mot d’ordre : rayonner et faire rayonner. Encore une histoire d’individuel et de collectif. Et nous, aux côtés d’un Sean Penn débarrassé de certains tics marqués Actor’s Studio de redécouvrir James Franco, qui n’a jamais été à son meilleur ; ou d’admirer la finesse du jeu de Josh Brolin, dans un rôle qui aurait facilement pu tomber dans la caricature.
PS : pour les Parisiens, précipitez-vous au Nouveau Latina : au 1er étage du cinéma, une passionnante exposition de photos d’époque et d’objets inédits retrace la campagne électorale de Harvey Milk, ainsi que l’atmosphère du San Francisco des 70’s. Excellente initiative d’un cinéma extrêmement actif et dynamique !
Travis Bickle