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L'emploi pas fictif de Besancenot

Publié le 14 mars 2009 par H16

C'est avec un choc que j'ai appris la nouvelle, et je dois prévenir le lecteur que ce choc est suffisamment rude pour qu'il prenne quelques dispositions avant d'aller plus loin dans la lecture. Ainsi, recalez-vous sur votre fauteuil, évitez par exemple de tenir mollement votre menton d'une main mal assurée, vous risqueriez de vous briser la mâchoire sottement en lisant ce qui suit.

Besancenot a été vu dans une poste.
Voilà, c'est du lourd, j'avais prévenu.
On avait appris précédemment que le facteur rhésus rouge roulait en Audi S8, assez vigoureusement d'ailleurs. Un autre coin du voile se lève à présent sur les moeurs secrètes du révolutionnaire médiatique. Il semble en effet que notre distributeur automatique de slogan soit réellement postier.
Et ce vendredi, il a poussé le réalisme de son personnage jusqu'à aller dans une poste pour de vrai, et pas pour y envoyer un petit colis. Outre des talents certains de bonimenteur, on peut clairement lui reconnaître un certain professionnalisme dans sa démarche. A l'instar d'un Heath Ledger qui se sera tellement impliqué dans son personnage du Joker de Batman qu'il en sera mort, notre piou-piou éventreur de bourgeois s'implique donc à fond dans son rôle de facteur et tente l'immersion totale. Compte tenu du succès disons ... foudroyant de Heath Ledger, on ne peut décemment que souhaiter une même implication et un pareil succès à notre baltringue de haute voltige.
Mais revenons sur sa performance actuelle.
Il a donc été aperçu au siège même de La Poste, où il déclarait, plein de verve : Nous allons pique-niquer sur place avec des Merguez jusqu’à ce que la direction nous reçoive.
Un bon point : on évite la saucisse de Morteau, beaucoup plus compliquée à préparer correctement dans un hall de siège social que les merguez. Constatation amusante : cette nourriture un peu grasse et épicée provoque, à la longue, des aigreurs d'estomac, et c'est précisément ce qui caractérise finalement le mieux les syndicalistes de SUD-Machin. On sent, dans leurs discours, à leur façon de se comporter et dans leur bedaine portée fièrement comme un étendard de privilégié trop nourri, cette aigreur et cette frustration propre aux collectivistes qui ne rêvent rien tant que de prendre la place de ceux qu'ils veulent, officiellement ou pas, étriper.
Le petit articulet de Libération donne assez peu d'information. C'est Libé, ma pov'dame : plus leurs fonds s'épuisent, plus le fond s'étiole. On trouve cependant cette perle, rare elle aussi : «Une cinquantaine de postiers sont dans le hall»
Et là, une question s'impose : vous avez déjà vu 50 postiers ensemble ailleurs que dans une manifestation ? Ok, à l'Amicale des Joueurs de Pétanque, ou à l'AS Poste, on peut sans doute en croiser pas mal - encore que je doute qu'ils rassemblent autant de membres d'un coup. Mais hors d'un cadre festif ou citoyen, par exemple ... dans une poste ?
Poussons la question plus loin, soyons fous, tentons le déjanté, l'über-strange : imaginons une poste où tous les guichets seraient ouverts en même temps ! Je vois que certains ont décroché. Je comprends. C'est une expérience de pensée assez violente, type There Is No Spoon de Matrix...


Tous les guichets étaient ouverts : la cuillère n'existe pas
Eh bien là, c'est pareil : une cinquantaine de postiers, tous ensemble, au même moment et au même endroit, ça a quelque chose de surnaturel. Je vous le dis : ce Besancenot, il a quelque chose d'un gourou, d'un Néo washovskien, un Néolivier qui plie les cuillère à soupe.
Mais au fait, pourquoi les plie-t-il, ces ustensiles ménagers ? Apparemment, et c'est confirmé au-delà de l'article minimaliste de Libération, tout ce petit monde rouspète depuis deux mois et est passé à la vitesse supérieure en faisant griller des merguez contre un projet de réorganisation des tournées ... qu'on supposera de verres de petit blanc frais : pas plus de cinq verres par personne, nous dit-on. Vous pensez bien que ça ne pouvait aboutir qu'à ce type de grabuge !
Décidement, il semble que depuis la dernière saillie de grève de postiers, analysée en ces lieux, le niveau général de service ne se soit pas amélioré, tant pour ceux qui sont devant les guichets que ceux qui sont derrière. Tout semble matière à mécontentement, et les timides projets de privatisation partielle de l'Entité Postale™ (déjà une entreprise Demaerd Corp.®) donnent des ailes aux chefaillons syndicaux qui s'empressent de bloquer ce qu'ils peuvent.
Ce qu'il y a d'amusant, dans tout ce petit foin médiatique, c'est qu'au-delà de l'agitation Strass et Paillettes revampée peuple en Merguez et Tracts, c'est exactement comme pour les agitations sarkozyques : du vent, des journalistes, quelques photos, quelques articles lapidaires et ... rien d'autre. Pas réellement d'impact concret ("Soutenu par Sud-PTT, la CGT et la CFTC, le mouvement reste minoritaire et ne semble pas retarder la livraison du courrier" nous dit l'article du Point), pas de vrai profondeur dans l'action (on ne connaît pas la nature exacte de la grogne ni des changements qui l'ont provoquée), pas d'utilité quelconque à l'intervention remarquée de Néolivier.
En cela, Sarkozy a bien choisi en laissant le petit anarcho-syndicaliste prendre autant d'importance dans les rangs de gauche : il ne constitue pas vraiment un danger, mais dynamite efficacement le PS. Cette petite action d'éclat en est un exemple frappant : en montrant que lui, Néolivier, agit là où personne d'autre de la gauche ne semble être présent, il donne du poids à l'action par ailleurs outrancière de son parti évidemment anticapitaliste...

Cherche pas, Oliv', je te dis qu'il n'y a pas de cuillère !
Cependant, il n'y a, finalement, pas de quoi s'emballer. Au final, la Poste sera bel et bien privatisée, tout comme, progressivement, le reste du service public français. Pas spécialement parce que c'est bien. Ni parce que cela nous serait imposé par l'Europe. Ou parce que les libéraux mangeurs d'enfant ont gagné et qu'ils mettent en pièce les zacquis szociaux des travailleurs-ses. Peut-être ces quelques raisons joueront, mais ce sera à la marge.
En fait, si les agitations de Néolivier ont un fort relent de geste désespéré, c'est que ceux qui ont deux sous de bon sens ne se font plus aucune illusion sur l'état réel de la France. La crise va agir, ici comme en bien d'autres domaines, en révélateur : là où la croissance artificielle des années précédentes permettait de masquer un peu l'indigence de la gestion budgétaire française, la récession voire la dépression va littéralement casser la dynamique de camouflage qui a animé les administrations publiques toutes ces dernières années. Et là, il n'y aura plus de demie-mesure, de tergiversation ou de tortillage de croupion : les caisses sont déjà vides, les créanciers commencent à grogner.
La privatisation et la restructuration seront alors les seuls et uniques moyens de gratter un peu d'argent pour éviter la faillite pure et simple. Et cette faillite, même si Néolivier prétend rêver d'un grand soir, qui nous pend tous au nez ne lui réservera, à lui comme aux autres tous bords confondus, rien de bon.
Ce pays est foutu.


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