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Welcome

Par Rob Gordon
WelcomeQu'il est agréable de voir un cinéaste prendre de l'ampleur à chaque film. Au départ réalisateur de comédies très sympathiques, Philippe Lioret a ensuite opéré un glissement perceptible vers la comédie (de plus en plus) dramatique, avant de s'abandonner au drame pour ce Welcome. Rarement un début de filmographie aura autant ressemblé à une piste de décollage, tant on a l'impression que tous ses films précédents n'existaient que pour préparer celui-là. Avec Welcome, Lioret tente purement et simplement de s'imposer comme le Ken Loach français, capable de traiter des sujets sociaux (catégorie fourre-tout) avec style et témérité. Et si l'élève n'a pas dépassé le maître (on verra dans trente ans), le français ne démérite pas et livre un drame noir, intense, poignant et dérangeant.
Comme la souligné la campagne de promotion / polémique (sacré Eric Besson), le questionnement principal porté par le film concerne cette aberration du système voulant que toute personne surprise à venir en aide à un clandestin est passible de prison. En bref, s'il crève dans le caniveau, il faudrait appeler la police et se tenir à distance. Heureusement qu'existe la désobéissance civique et que des citoyens comme Simon (Vincent Lindon, au top du top) acceptent de tendre la main à ceux qui sont arrivés là au péril de leur vie, errant dans le Pas-de-Calais en attendant de pouvoir rejoindre un eldorado nommé Angleterre. Lioret s'intéresse tout particulièrement à l'un d'entre eux, Bilal, dont la dulcinée attend patiemment du côté de Londres. Après la présentation successive des deux hommes, le film orchestre évidemment leur rencontre et fait naître des échanges de plus en plus intimes, de plus en plus fraternels. Le déroulement des évènements est relativement prévisible, mais l'essentiel est ailleurs, dans le tragique des destins croisés de ces deux types presque aussi paumés l'un que l'autre. La mise en scène ample et élégante sait se faire oublier et créer une vraie osmose avec ces personnages franchement beaux.
Le problème, c'est que si le travail et les intentions de Lioret sont infiniment respectables, Welcome peine un peu à franchir les paliers et à atteindre des sommets d'intensité. Comme si l'inévitable contexte sentimental (on insiste pas mal sur le divorce du personnage de Lindon et sur son sentiment permanent de culpabilité) était là pour nous rappeler régulièrement qu'il s'agit d'un film français et qu'il faut bien, à un moment ou à un autre, sombrer dans les passages obligés de notre cinéma d'auteur. Les intentions finissent alors par se faire un rien trop visibles, et la fin, splendide sur le papier, devient trop évidente, trop plombante pour être vraie, le tout au détriment de l'émotion. Mais là n'était sans doute pas le but de Philippe Lioret, qui gagne aisément ses galons de cinéaste engagé, et parviendra grâce à ce film fait pour marcher à alerter au moins un millions de français sans doute pas assez conscients du drame humain qui se joue tous les jours autour d'eux.
7/10

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