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Rencontre au salon du livre 2009

Par Goliath @Cayla_Jerome

Au salon du bouquin, on voit de tout, des livres mais aussi des gens avec autant d'histoires qu'en contiennent les romans sur les étals des stands. Des personnages souvent attachants qui viennent sans doute pour tromper l'ennui d'une solitude, mais n'est-ce pas aussi à cela que servent les livres ?

Sur l’un des stands du salon du livre 2009, j’ai rencontré une charmante vieille dame ; un ancien professeur de Français, une agrégée de lettre, une pourfendeuse de la faute d’orthographe, le défenseur d’un style ; de son style !

Quoi de plus naturel pour quelqu’une qui a incarné le savoir personnifié durant une vie entière ?

L’œil vif et le regard franc sous un parfait brushing, le teint hâlé sous un casque gris clair en accord avec un tailleur de bonne facture, elle affichait le sourire de celle qui est contente de vous voir, avant même que vous eussiez fait sa connaissance.

Pourtant, cette retraitée à l’éducation évidente, oscillait entre la réserve qui lui était coutumière et l’envie de nouer le contact ; ce me semblait une évidence. J’en fus presque gêné pour elle, jusqu’à en perdre le fil de la conversation que nous avions entreprise avec l’éditeur d’une revue sur la fabrication des livres ; j’en ai d’ailleurs oublié le nom sous le coup de la surprise.

Nous étions devant l’étal présentant les fameux magazines, alors que tournait autour de nous cette apparition énigmatique dont l’air emprunté et décalé nous laissa sans voix, autant que perplexes. Sur l’instant il me sembla que le salon du livre s’était intégralement vidé de ses visiteurs pour nous abandonner, tous les trois, en un face à face improbable, chacun attendant que l’autre prenne la parole le premier. Nous étions tous très mal à notre aise.

Enfin résolue à aller chercher ce pourquoi elle était venue, et peut-être nous pensant en mesure de satisfaire ses visées, elle nous aborda dans un murmure embarrassé.

Connaissez-vous un peu le milieu éditorial, je veux dire celui des correcteurs ?

Ces mots à peine prononcés, le regret de son audace déjà se manifestait et elle cru bon d‘ajouter :

Je suis une professionnelle du langage et de ses codes, les jeunes d’aujourd’hui ne savent rien des règles de l’écriture et sont incapables de faire un texte sans le truffer d’erreurs en tout genre. Je suis à même de proposer l’assistance d’une technicienne de la langue pour enfin voir des livres sans fautes ! Je m’en rends bien compte en lisant, il y a plein d’erreur de style en plus des fautes qui sont passées à la trappe, mais je ne sais pas où m'adresser. Comprenez que je peux être utile aux éditeurs. En retraite, je serai prête à effectuer ce travail bénévolement, pour rendre service. Je m’ennuie tellement…

Mais c’est très simple, il faut aller rencontrer des éditeurs et tenter de vous vendre. Essayez de les convaincre de vous faire confiance, que vous apporterez un service utile. Cependant suggéra l’homme qui faisait des revues sur papier glacé en refreinant son envie de sourire , l’écriture doit savoir prendre une certaine liberté, s’affranchir de la routine pour séduire un public toujours en quête de nouveauté.  Une langue qui n’évolue pas reste figée dans son temps, prisonnière de clichés qui deviennent vite passéistes…

Remarquez tout de même que les auteurs d’aujourd’hui sont loin d’un Céline, quel homme ..!

Vous me parlez là d’un auteur dont le talent n’est plus à démontrer, mais lui-même à sa manière était un novateur et, savait prendre quelques risques avec le ton de son époque. Mais puisque vous me parlez des auteurs d’hier, j’ai envie de vous dire que Vaugelas lui-même déclarait que dans le langage l’usage crée l’habitude de l‘oreille et, reste la seule règle qui vaille…

Comme tout cela est bien dommage, je pensais pouvoir encore être utile, et je me barbe tant dans ma petite vie de retraitée bien calme. Il faut que je vous laisse, je vais de ce pas écouter Annie Duperey ! Je l’aime beaucoup, car c’est une femme qui dit très justement ce qu’elle pense, en l'écrivant bien...

D’un pas alerte et le regard déjà tourné vers d’autres cieux, elle nous quitta avec l’élégance qui sied à son rang, marchant tête haute devant les gens qui s’écartaient pour la laisser passer. Pour elle, presque naturellement, son ordre des choses était respecté presque de façon inné par ceux qu'elle croisait. Résurgence d'un passé toujours vivant, perdant peu à peu ses repères, elle semblait vouloir s'accrocher à un reste d'espoir.

Cet ordre là, n’est pas une figure de style de celles que le temps efface d’un trait de plume !


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