Voilà trois semaines à présent que je suis passé à plein-temps-plein au boulot. On m'a laissé le choix de prolonger six mois à temps plein même salaire mêmes horaires ou bien rien. Entre le trop et le rien, j'ai pris le trop. Le temps partiel me permettait de conserver un équilibre idéal entre temps d'écriture et temps de bureau. J'y suis allé à reculons. Maintenant j'y suis.
Le problème est de s'adapter à la situation-équation horaires donnés plus temps bouffé et de contourner les plages de la semaine où je ne suis plus sur la page. Aménager un nouvel emploi du temps qui me permette d'écrire sans perdre en efficacité. Non pas écrire moins mais écrire différent. D'autres projets qui permettent de picorer clairsemé des moments de mots dans la journée. Mes trucs de début d'année, chronophages et intenses, ont été bouclé juste avant ma deadline mentale. A présent je glisse sur des textes plus courts (prix du jeune écrivain), quotidiens (le blog-journal, les trucs parallèles qui ont toujours été mais que personne ne voit), ou légèrement déplacés (Livre des peurs primaires, mise en ligne à venir). Coup de tête repris au moment même où je commençais ma première heure sur trente-cinq. Je n'ai pas cédé à la tentation de faire une semaine pour voir, de m'aménager une transition douce avant reprise progressive du débit écrit. Je savais pertinemment que si je n'attaquais pas dès le début en instaurant un calendrier net et plages d'écritures prévues, je ne ferais jamais rien. Alors je me suis levé plus tôt pour Coup de tête, j'ai commencé à partir plus tard, à écrire des bribes entre deux commandes, à relire sur liseuse dans le RER les textes ou corrections de la veille. Je grappille ces instants où je peux, comme je peux, pour ne pas, littéralement, devenir un écrivain du dimanche. Ce qui me fait peur, ce que je cherche à fuir.
A ce jour, trois semaines de test, ce n'est pas encore suffisant, suffisant pour savoir si c'est vi(v)able à plus long terme. Pour tenir plus et mieux, je prends sur mon temps de sommeil, mon temps de boulot parfois et de détente aussi. Mais tout doit être prédéterminé, fixé à l'avance dans un planning incompressible. Ce sera tant de jours par semaine de levés plus tôt et de départs plus tard. Tant de notes de blog et tant de relectures papiers. Tant de fragments du Livre des peurs primaires et tant de mots que personne ne pourra lire. Ce billet lui-même a été pensé il y a plusieurs semaines maintenant, il est prévu de longue date, programmé ce jour pour remplir les trous dans le calendrier, ne pas laisser deux jours de vide à la suite.
Je construis des tableaux à l'avance, avec colonnes jours et lignes sujets, telle date chronique Machin, telle autre « un truc du quotidien à remplir en fonction » ou encore « fiction déviée depuis » ou « récit fictif à la troisième personne qui pourrait ne pas l'être », chaque tableau est imprimé noir et blanc le dimanche et collé-scotché face bureau le soir, pour dicter la marche du reste de la semaine. Mais je ne suis pas infaillible, parfois je dévie du rythme que je m'impose, je pêche par fatigue ou paresse ou les deux : c'est à ça que sert le tag « antidaté », car tout est précis, tout a été instauré au cas où, chaudement prédéterminé, fort heureusement.
Rien n'est laissé au hasard. Sans ça, je n'écris pas, je ne sais pas faire.