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La brouille passagere entre vincent van gogh et le pere tanguy

Par Bernard Vassor
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Nous avons la réponse d’une lettre de Vincent à Théo (sans date, mais vraisemblablement de juillet 1888), mais nous n’avons pas le texte de la lettre faisant état de la demande d’argent de la part du père Tanguy. Ce que nous savons, c’est que beaucoup de peintres prenaient des fournitures à crédit, et certains, comme Cézanne faisaient traîner, ou ne payaient pas du tout leurs factures. Tanguy qui vivait pauvrement, avaient envoyé plusieurs lettres de relance à Cézanne, à une époque où celui-ci n’était pas dans le besoin, mais qu’il a négligé de payer, faisant retomber la responsabilité sur Oller qu’il avait amené dans la boutique de la rue Clauzel et acheté pour lui des fournitures. Selon tous les témoignages des contemporains,  le père Tanguy faisait crédit au premier venu, et lorsqu’un client même argenté argumentait en faisant état d’une gène passagère Julien Tanguy disait selon Emile Bernard : -« Laissez, nous verrons cela plus tard. »

Sans doute pris à la gorge par un de ses créanciers, ou de son propriétaire, le père Tanguy a fait le tour de ses clients qui lui devaient de l’argent, et qui avaient les moyens de payer. Nous connaissons la demande faite à Cézanne et le montant de la dette datant de plusieurs années (et qui ne sera pas honorée, Cézanne écrivant à Oller après la mort du père Tanguy pour lui imputer cette dette). Vincent écrivit donc à Théo cette réponse pleine d’acrimonie :

-« Pour l’affaire Tanguy, ne t’en mêle pas. Seulement je te prie de ne pas risquer de nouveaux tableaux chez lui, retire les donc en réponse de ce qu’il t’a présenté un compte et demandé un acompte (nous savons que Théo n’en fera rien, et même qu’il louera une pièce à Tanguy pour y entreposer les toiles de Vincent),. Sache que tu as affaire à la femme Tanguy, et sinon si tu agis comme cela, c’est alors qu’il agit faussement  envers moi. Tanguy a encore de moi une étude, que lui-même croyait vendre. Je la lui doit à la rigueur, mais je ne lui doit pas un sou d’argent. Entrer en discussion là-dedans c’est discuter avec la mère Tanguy, ce à quoi nul mortel n’est tenu. Selon eux, (les Tanguy) Guillemin, Gauguin, tous leur devraient de l’argent, est-ce vrai ou non ? Dans tous les cas, si eux ne le payent pas, pourquoi paierai-je ? Je regrette d’avoir voulu reprendre de la couleur chez lui pour lui faire plaisir, il peut y compter que dans la suite, je ne lui en prendrai plus. Il s’agit avec la mère Tanguy qui est vénéneuse, de faire sans dire. Je te prie de reprendre mes tableaux. Et cela suffit…Si tu donnais un acompte, ce serait reconnaître une dette que j’ose nier. Jamais, ne te laisse pas prendre donc (…) Je me prive de bien des choses, pas que je considère cela comme un malheur, mais je considère que mon argent dont j’aurai besoin dans l’avenir, dépend un peu de la vigueur de mes efforts d’à présent (…)Fais-y bien attention que Bernard aura la même histoire avec les Tanguy, mais pire.(…)J’ai encore pensé, que si tu veux te rappeler, que j’ai fait le portrait du père Tanguy, qu’il y a aussi celui de la mère Tanguy (qu’ils ont vendu) de leur ami ( ?)  il est vrai que ce portrait m’a été payé vingt francs par lui, que j’ai acheté sans rabais pour 250 francs de couleurs chez Tanguy, sur lesquels naturellement il a gagné, qu’enfin je n’ai pas moins été son ami qu’il n’ été le mien, mais j’ai les plus graves raisons pour douter de son droit de me réclamer de l’argent ; lequel se trouve vraiment réglé par l’étude qu’il tient encore de moi, à plus forte raison puisqu’il y a bien expresse qu’il se paierait sur la vente d’un tableau.

Xanthippe, la mère Tanguy et d’autres dames ont par un caprice étrange de la nature, le cerveau en silex ou pierre à fusil. Certes ces dames sont bien davantage nuisibles dans la société civilisée dans laquelle elles circulent, que les citoyens mordus par des chiens enragés qui habitent l’Institut Pasteur. Aussi, le père Tanguy aurait mille fois raison de tuer sa dame….mais il ne le fait pas plus que Socrate…(…) Et pour quel motif le père Tanguy a plutôt des rapports-en tant que la résignation et la longue patience-avec les antiques chrétiens, martyrs et esclaves, qu’avec les modernes maquereaux de Paris*.

N’empêche qu’i n’y existe aucune raison pour lui payer les 80 francs, mais il existe des raisons pour ne jamais se fâcher avec lui, même si lui se fâchait, lorsque comme de juste dans ce cas on le fout à la porte, ou au moins on l’envoie carrément promener.

Nous n’avons pas la version du père Tanguy et nous ne savons rien de la réconciliation qui eut lieu, c'est certain. La dernière visite de Vincent lors de son très court séjour rue Clauzel, fut pour le père Tanguy rue Clauzel et nous savons que notre marchand de couleurs préféré a veillé Vincent avec Théo sur le lit de mort à l'auberge Ravoux. De plus, nous savons qu'après la mort de Vincent, les rares toiles vendues ont été payées à la veuve de Théo, et que le père Tanguy percevait une commission ridicule.

* Cette phrase apparemment incompréhensible pourrait s’expliquer par l’histoire que raconte Emile Bernard. Une fois parti pour Arles, la cabaret le Tambourin fermé, le père Tanguy aurait recueilli Agostina Ségatori (au grand dam de la mère Tanguy, car cela faisait jaser) l’ancienne maîtresse présumée de Vincent qui payait ses repas au Tambourin en échange de ses toiles.

Le maquereau étant le garçon du Tambourin qui avait frappé Vincent et mis à la porte ?


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