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Odes funèbres par l'ensemble Pygmalion : belles couleurs et intensité

Publié le 30 mars 2009 par Philippe Delaide

Après l'enregistrement de messes brèves de JS Bach, d'une plénitude rare (cf. note du 18 octobre 2008), l'Ensemble Pygmalion, sous la direction de Raphaël Pichon, a abordé avec brio un répertoire délicat lors de son dernier concert du 17 mars à l'Eglise des Blancs-Manteaux. Le programme comprenait, sous le thème "Ode Funèbre", une série de compositions sacrées de maîtres de l'école luthérienne allemande du XVIIème siècle.

En introduction du concert, l'ensemble vocal du groupe interprète une courte pièce a cappella pour cinq voix de Heinrich Schütz, tirée des "Geitlische Chormusik" (Selig sind die toten). Rien de funèbre dans cette pièce. Simplement la sensation d'un recueillement extrême, restituée avec sobriété. La richesse harmonique de cette pièce ressort alors avec une belle ampleur. On retrouve d'emblée ce qui fait déjà le style de Raphaël Pichon, dont la maturité musicale est vraiment exemplaire, à savoir la recherche d'une certaine densité des timbres, d'une belle plénitude sonore.

Vient ensuite une cantate pour basse de Dietrich Buxtehude (BUXWV 34 - Gott, hilf mir) où ce style très caractéristique du maître de Lübeck est bien restitué : raffinement de la ligne mélodique, ferveur allant crescendo mais restant maîtrisée. On retrouve bien comment les compositeurs de l'Allemagne luthérienne se sont appropriés la richesse harmonique et le style concertant italiens pour les recentrer sur l'homme, avec une lecture plus intimiste et où on oppose volontiers un certain sens des dégradés, du fondu aux contrastes et aux couleurs saturées de la musique italienne.

Pichon Pygmalion
Le plus beau moment du concert est alors l'interprétation d'une magnifique cantate-madrigal de Nikolaus Bruhns, élève de Buxtehude. Raphaël Pichon apporte le mordant souhaité dans les attaques, les couleurs italianisantes volontairement restituées par Bruhns (d'où le titre de cantate-madrigal pour cette oeuvre).  Cette cantate est lumineuse, d'une belle ampleur. L'aria pour alto ressemble à s'y méprendre à un passage du VIIIème Livre de Madrigaux de Monteverdi !

Le concert se prolonge par une pièce de Christoph Bernhard, pour dix voix et basse continue, suivie de deux superbes complaintes de Dietrich Buxtehude, dont un lamento interprété avec ferveur et conviction par Juliette Perret. J'ai particulièrement été marqué par le superbe contrapuntus "Mit Fried und Freud ich fahr dahin" dont le caractère épuré rappelle les plus belles œuvres polyphoniques de la Renaissance. Le programme se termine avec l'équivalent d'un concert spirituel schützien, revisité par Buxtehude, pour cinq voix, deux violes et basse continue où l'ensemble Pygmalion poursuite sa lecture subtile restituant toute la plasticité des compositions de celui qui aura certainement le plus influencé JS Bach.

Superbe concert révélant, sur un programme exigeant et qui aurait pu pêcher par excès d'austérité, la maturité musicale exceptionnelle de cet ensemble avec une lecture cohérente, homogène, conservant de bout en bout la bonne tension de la ligne sur la basse continue, exploitant les bons ressorts rythmiques afin de révéler toute l'intensité et la subtilité de ces œuvres. Raphaël Pichon apporte dans son jeu de belles couleurs, de la dynamique, tout en conservant une réelle élégance. 

Cet ensemble est à suivre avec attention car il nous réserve certainement d'autres excellentes surprises.


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LES COMMENTAIRES (1)

Par Kay Harpa
posté le 18 juillet à 00:24
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Ca aurait été sympa de signaler que la photo de Raphaël Pichon a été prise sur ma galerie Flickr.

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