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José-Maria de Hérédia : le 119e sonnet retrouvé !

Par Rendez-Vous Du Patrimoine


Clichés I. Rambaud

L’Ecole nationale des Chartes a produit de nombreux historiens, des érudits, des archéologues, quelques écrivains célèbres (Roger Martin du Gard, Anatole France, Georges Bataille), peu de poètes.

Comme si la rigueur de la recherche et des preuves s’accordait mal à l’inspiration poétique.
Il en est un pourtant qui a su même se faire gloire de cette rigueur au service de la langue.

José-Maria de Hérédia (1842-1905), poète d’origine cubaine qui au sein de « l’Ecole parnassienne » emmenée par Leconte Delisle consacra sa vie au sonnet, publiant en 1893 l’ensemble de ses 118 sonnets rassemblés sous le titre Les Trophées.
Son passage à l’Ecole nationale des Chartes de 1862 à 1865 ne lui permit pas toutefois d’obtenir le diplôme d’archiviste-paléographe car il ne finit jamais sa thèse (sur le rattachement de la Bretagne à la France), emporté par d’autres passions, les voyages (l’Italie, l’Espagne)… et la poésie !
Dans une lettre à son ami et poète Antoine de Montaiglon, il évoque d’ailleurs le travail qu’il consacre alors à un sonnet sur Aphrodite. On y voit le poète hésiter sur la forme à lui donner et même sur le nom de la déesse, Aphrodite ou Vénus, si bien qu’il réalise de front deux sonnets sur le même thème.
« Cher Monsieur et ami,
Mon sonnet sur la naissance d’Aphrodité a trouvé en ce lieu que j’aime un décor à la hauteur du sujet que je compte intégrer au cycle consacré à la mythologie grecque.
Mais au moment où je l’achevai, d’autres vers me sont venus que je n’ai pu retenir et qui ont commencé à former un autre sonnet où Vénus oblige le soleil à se cacher, frappé par sa beauté. Je ne sais lequel je garderai mais je crois que la Bretagne qui fait naître ainsi deux déesses vaut bien la Grèce et ses sirènes.
J’ai hâte de vous les lire tous deux et de vous en faire juge.
Merci d’avance pour toute la grâce dont je vous sais capable.
Douarnenez, 20 août 66 J.-M. de Hérédia »

On sait que seul le poème « La Naissance d’Aphrodité » fut publié en 1893.
L’autre poème « Le Triomphe de Vénus » resta dans les cartons, à l’état de brouillon.


En voici la transcription intégrale. A vous de juger si le 119e sonnet méritait l’oubli…
Le Triomphe de Vénus
De l’écume printanière, Avril enfante
La beauté nacrée qui des franges de la mer
Jaillit, Vénus lumineuse, sous l’onde amère
Où l’ombreuse et verte falaise plonge sa fente.
Mais l’astre jaloux des rayons purs de son teint
Qui fanent les coraux d’émail et leurs rubis,
Pour être le premier, joue les princes de Nubie
Sans voir que, par le charme de la reine atteint,
Le soleil soudain se voile et sur l’ordre des dieux
Fait éclater la colère qui naît à ses yeux
Effeuillant les éclairs, les averses, le tonnerre.
Alors le soleil rend l’âme et, criant merci,
Face à la sublime vision, s’efface ainsi
Qu’un poisson d’or entre les frêles laminaires.

Merci pour votre lecture ! Thank you for reading !


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