Tu
ouvriras mes lèvres, le peu de lèvre
qui me reste, le peu de chair, chair d’abricotier
ou de lézard, douceur, chair de saumon frais,
fine comme le papier transparent, on a mangé après midi,
le soir vient, le vent tourne, des feuilles
se sont collées au dos de ma main,
les feuilles percées, les morceaux de la peau qui disparut,
crachée, tu donneras à mes lèvres
le peu de sel qui me reste, la langue qui fut
de la famille des langues, langue contre l’acier,
langue sur la cendre quand la cendre nous éclabousse,
quand la langue nous transperça j’étais avec mes frères
près de l’ortie brûlante ou assis sur le toit,
sur la pente roulaient les éclats de mercure
fracassé, la tête explosée contre la première tuile,
ce fut la pluie, les flèches parmi les fétus de paille,
tu entreras dans ma bouche, le scarabée y dort déjà
comme un triton dans la fange, seule sa queue s’agite,
mal avalée agaçant la luette, il arpente ma place,
pond dans mon gouffre, je suis un vase
et dans le vase tombent les œufs du printemps glacé,
tu lècheras le vase de terre, ta tempe contre sa panse,
gymnaste, souple, tu cracheras dessus,
tu laisseras tomber des perles, tu parleras
mon doux micocoulier.
Eugène Savitzkaya, Cochon farci, éditions de Minuit, 1996, p. 11.
Contribution de Tristan Hordé
Eugène
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Bio-bibliographie, extraits 1, Nouba (parution), extrait 2, extrait 3
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