Avant-propos
La discussion surréaliste, diffusée dans l'émission « Les Matins » de France Culture du 24 dernier, à propos d'un livre intitulé, Penser le Coran, m'incite, dans un premier temps, à présenter la retranscription intégrale du débat, avant de démontrer dans un second temps, à Ali Baddou, présentateur attitré des « Matinales » - et par ailleurs agrégé de philosophie ! -, combien notre époque, qui se croit pourtant au comble du modernisme, en est toujours au même degré d'obscurantisme que celles qui l'ont précédée - sinon plus !
En effet, en matière de religion, malgré des différences notables dans les dogmes juifs, musulmans et chrétiens, témoignant ainsi que leur religion ne saurait exprimer LA Vérité absolue, il sera difficile de me prouver que, au cours de leur histoire, l'une ou l'autre superstition religieuse aurait récusé à « son » Dieu la prétention de dire l'Absolu - certes, un absolu fictif, ainsi que cela a été démontré more geometrico, mais qui n'en reste pas moins l'absolu pour tous les fidèles dans leur diversité !
Or, le débat surréaliste reproduit ci-après ose affirmer, clairement et nettement, qu'Allah, Dieu des musulmans, dit des vérités relatives, mais je doute que juifs et chrétiens partageront cette opinion - retirer à Dieu l' « absoluité » de sa Parole, c'est la mort assurée de Dieu, et pour le coup, je ne vais pas m'en plaindre !
Annexe : Penser le
Coran
Ali Baddou : « Penser le Coran », c'est le titre d'un essai passionnant qui paraît
chez Grasset sous la plume de Mahmoud Hussein, alias Adel Rifaat et Baghat Elnadi. Penser le Coran, c'est-à-dire refuser de prendre le texte à la lettre pour le replacer dans le contexte de la
révélation, et refuser aussi le monopole sur le texte sacré de ceux qu'on appelle les littéralistes, et qui postulent que la parole de Dieu vaut en tout temps et en tout lieu, comme si elle
échappait totalement au cours du monde.
Vous publiez « Penser le Coran », et le premier mot du Coran, pourtant, c'est
« lis », et pas « pense ».
Adel Rifaat : C'est vrai qu'il faut commencer par lire, c'est vrai que notre préoccupation centrale en travaillant sur ce livre, c'est aller au fond d'un « malaise » qui vient de loin, mais qui est très, très actuel, et qu'on pourrait résumer en quelques mots : voilà, puisque le Coran c'est la parole de Dieu, c'est évidemment le credo central ; on n'est pas musulman croyant si on ne dit pas ça, si on ne croit pas. Puisque le Coran est la parole de Dieu et que Dieu ne peut pas se tromper, donc (tout est dans le « donc »), chaque mot du Coran est, pour l'éternité, à prendre au pied de la lettre, et à appliquer tel quel. Alors, nous, nous voyons là une logique, qui a l'air d'être implacable, et qui, en fait, est un pur sophisme... il y a, en fait...
Ali Baddou : Pourquoi un « pur sophisme » ?
Adel Rifaat : Voilà, parce qu'on confond deux choses : en disant que Dieu ne peut pas se tromper et que, donc, sa parole est toujours réelle, on fait comme si, par définition, chacun des mots du Coran était là comme vérité absolue. Or, et c'est que nous proposons dans notre lecture du Coran, lecture avec la pensée, c'est que le Coran est la parole de Dieu, descendue à un moment de l'histoire du monde, dans un lieu particulier, s'adressant à un peuple particulier à travers le prophète que Dieu a choisi ; et donc nous sommes en plein dans cette double dimension qui est, à la fois, transcendante et historicisée, et il faut absolument voir ces deux aspects, ce que, précisément, les littéralistes essayent d'occulter.
Ali Baddou : Qu'est-ce qu'il reste au sacré, qu'est-ce qu'il reste du sacré de ce texte, Baghat Elnadi, quand on dit du Coran qu'il s'est adressé, dans un moment donné, à une communauté, les Arabes du VIIe siècle après Jésus-Christ, ce texte, il a pourtant une prétention à l'universel, il a pourtant une prétention à la vérité ?
Baghat Elnadi : Mais exactement, mais, de toute façon Dieu lui-même a révélé plusieurs textes...
Ali Baddou : Plusieurs textes ?
Baghat Elnadi : Mais bien sûr ! Le Coran reconnaît qu'il y a la Torah, qu'il y a les Evangiles, et
reconnaît que ces livres-là sont des livres divins, des livres sacrés, des livres que Dieu a révélés aux hommes ; et ce n'est pas seulement ces deux livres ou ces trois livres, il y a, selon
le prophète Muhammad, il y a plusieurs dizaines de livres qui ont été révélés et qui ont disparu...alors, être divin ou être sacré ne signifie pas nécessairement être éternel... c'est ça
que nous essayons de dire.
Adel Rifaat : Pour suivre dans le sens de votre question, il est clair que, en prenant le texte dans le sens de votre question, en prenant le texte...c'est vraiment dans cette incitation de
prendre le texte dans une intelligence globale ; évidemment, il y a une dimension spirituelle, métaphysique, eschatologique, morale, qui, elles, ne sont pas tributaires de l'instant où la
parole a été donnée. Mail y a aussi, et entrelacé à cela, toute une série de prescriptions qui concernent la vie quotidienne des musulmans. Dieu intervenait directement dans des conversations,
dans des problèmes, en disant au prophète : « Mais les polythéistes disent cela, réponds leur cela, il corrigeait quelque chose qu'il venait de dire ; donc, on est face à un Dieu
qui est tout proche de cette communauté qu'il a choisie comme étant porteuse de son message, et c'est précisément cela qui manque dans tant d'exégèses actuelles, et surtout dans l'esprit que fait
régner la pensée littéraliste depuis si longtemps.
Ali Baddou : La pensée littéraliste, d'où elle vient ? Comment est-ce que vous pourriez la décrire ? Vous disiez que c'était une pensée qui formulait que les versets du Coran étaient formulés et qu'ils valaient indépendamment du contexte de la révélation. Cette pensée-là, d'où est-ce qu'elle vient ?
Baghat Elnadi : Elle vient du Coran lui-même, parce que le Coran dit, dans un verset, que Dieu a révélé le Coran au prophète pendant le mois de ramadan, ce qui signifie ce qui est expliqué par certains musulmans, comme si le Coran est descendu du septième ciel au premier siècle, d'un seul coup... c'est un livre, qui a été révélé entièrement pendant le mois de ramadan...
Ali Baddou : Or, ce n'est pas le cas !
Baghat Elnadi : Or, ce n'est pas le cas... à notre avis, on voit que ça s'est étalé sur vingt-deux années, ou vingt-trois si on veut... parce qu'il y a une divergence sur le nombre d'années que le prophète a passé à la Mecque... est-ce que c'était douze ans ou treize ans... bon, bref, c'est vingt-deux ou vingt-trois ans. Mais je vais revenir sur un point, c'est que, quand nous avons commencé à écrire ce livre, nous avons vu, à travers les récits que nous avons consultés, que la révélation, le Coran, ne suit pas exactement le même chemin qu'on imagine aujourd'hui...car les musulmans, aujourd'hui, considèrent que le Coran a été révélé, d'un seul coup, au prophète pendant le mois du ramadan...et voilà ; et après, ça s'est éclairé, tandis qu'on voit à travers ces récits que le Coran est un processus concret.
Ali Baddou : Processus concret, texte qui n'a jamais cessé d'être discuté, en tout cas dès les débuts de l'islam, dès la mort du Prophète... c'est un texte qui est sujet à de multiples interprétations, dont les différentes lectures s'emparent, qu'on travaille ; racontez-nous ça, Adel Rifaat, car on a l'impression que cette tradition-là a été oubliée, perdue, aujourd'hui.
Adel Rifaat : Oui, c'est vrai que, si on se réfère un peu à tous ces débats durant les premiers siècles de l'islam, on n'en revient pas... parce que c'est vrai que nous vivons un moment beaucoup plus terne, où si on peut appeler les discussions sur un mot, sur une tradition, si on peut appeler ça débat. Non, c'est vrai que, pendant plusieurs siècles, il y a eu des débats passionnants, et de très haut niveau, et où, d'ailleurs, à part certains moments graves, on n'était pas tué, parce qu'on pensait librement, et qu'il y avait vraiment une ampleur, une vie intellectuelle, tout à fait exceptionnelle.
En tout cas, vous vous référez en particulier, et c'est important pour comprendre le sens des débats que nous évoquons, vous vous référez à un débat très célèbre, qui a eu lieu au IXe siècle, sous le grand Calife Al Mamoun, fils du légendaire Aroun... ( ?), qui trône dans les Mille et une nuits. Mais son fils est beaucoup plus important ; c'est quand même celui qui payait, à prix d'or, des livres de philosophie grecque pour les faire traduire en arabe. Nous sommes dans une grande période. Et bien, à partir de ce moment, il y a un courant rationaliste puissant qui s'empare, d'ailleurs, de la logique d'Aristote, un instrument qui lui donne une grande force pour dire en gros : « Le Coran est, certes, la parole de Dieu, mais cette parole est créée, elle est distincte de Dieu, elle est advenue dans le temps, et l'homme, qui a son libre arbitre, qui est possesseur de la raison, doit pouvoir le lire, le comprendre et l'interpréter. »
Face à ce courant, nous avons un autre courant, d'abord illustré par le grand traditionaliste...( nom ?), qui a créé une des quatre grandes écoles juridiques de l'islam, et qui dit : « Non, non, non, dans le Coran, la chose essentielle, ce n'est pas le libre arbitre de l'homme, c'est la toute-puissance de Dieu, et il va jusqu'à dire que le Coran est « incréé » ; la parole de Dieu, c'est Dieu lui-même, elle est indissociable de son essence, ce qui fait que, quand vous lisez une parole, vous êtes imprégné par la présence même de Dieu...
Ali Baddou : Directement...
Adel Rifaat : Donc, là, la question de comprendre, d'interpréter, ne se pose même pas, il suffit de répéter, il suffit de psalmodier ; et là nous avons cette polarité...
Ali Baddou : Deux manières complètement différentes de se rapporter à ce texte sacré, et l'une l'a visiblement emporté...
Adel Rifaat : Oui...
Baghat Elnadi : Cela nous rappelle notre vie de militants, parce que, à un moment, nous étions des maoïstes, et Lin Piao, à l'époque, avait sorti une phrase : « Il faut appliquer la pensée de Mao, même si on ne la comprend pas. », et nous, nous étions étonnés : « Comment appliquer quelque chose qu'on ne comprend pas ? »
Alors, aujourd'hui, revient cette tendance aussi, que nous trouvons dans les pays musulmans, qui disent : « Le Coran, c'est comme ça, c'est la parole de Dieu et il faut appliquer la parole de Dieu, même si on ne la comprend pas. » ; et penser le Coran, ça paraît quelque chose de très bizarre pour eux ; qu'est-ce que ça signifie penser le Coran ? Nous allons interpréter le Coran maintenant, nous allons donner différents sens à ces versets ? Non, le Coran est éternel, c'est la parole de Dieu, et nous allons appliquer le Coran, même si on ne comprend pas ce qu'il dit. C'est contre ça que nous avons écrit ce livre...
Ali Baddou : Contre ça, et puis aussi à partir d'une expérience que vous racontez, là où vous intervenez en public, là où vous débattez, là où on vous pose très régulièrement la question, des questions qui tournent autour de cette idée : « Que dit le Coran » ? Que dit le Coran autour de tels sujets précis : la question du voile, est-ce qu'elle est dans le Coran ? Est-ce que la lapidation de la femme adultère, elle est dans le Coran ? Est-ce que les attentats-suicide, ils sont autorisés dans le Coran ? Est-ce qu'on a le droit de tuer ? Et là, toutes ces questions, systématiquement cette même interrogation « Que dit le Coran ? »
Adel Rifaat : Ça reflète d'ailleurs plusieurs choses, primo la paresse ou la démission intellectuelle, on ne va pas jusqu'à faire l'effort de lire soi-même le Coran, on attend que des autorités vous en parlent ; d'autre part ce que dit le Coran, et il faut suivre tel que... alors la chose, le point névralgique qui est pour nous tragique aujourd'hui, c'est que, à partir de cette position où vous n'avez plus aucun recul personnel, quand vous vous trouvez devant un verset du Coran qui, manifestement, ne vous convainc pas, qui, manifestement, ne correspond pas à la situation actuelle, et il y en a beaucoup, qu'est-ce que vous faites ? Vous trichez, vous tournez autour...
Ali Baddou : Exemple ?
Adel Rifaat : Je ne sais pas... les châtiments corporels par exemple, l'esclavage...il y a dans le Coran des versets sur l'esclavage, où on suggère de libérer autant que possible les esclaves, mais il n'est pas suggéré de supprimer l'esclavage. Donc, il y a des choses qui sont extrêmement gênantes, alors vous êtes là, et vous avez toute votre foi investie dans ce texte fondamental, et en même temps il y a des choses que vous ne comprenez pas, et que vous êtes censé accepter quand même ; et bien ce malaise-là est pour nous vraiment tragique, parce que vous ne pouvez pas être en paix avec votre conscience, et donc comment voulez-vous affronter la vie avec ce malaise-là ?
Ali Baddou : Bonne question... pourquoi deux anciens maos, deux anciens communistes comme vous, essaient de sauver le Coran contre le monopole que revendiquent les intégristes sur ce texte-là, contre la lecture univoque qu'ils veulent imposer à des populations à travers le monde ?
Baghat Elnadi : C'est la défense de la liberté... on revient à la première question : « Pourquoi on s'est intéressé à ce sujet ? C'est effectivement à partir de la civilisation arabo-islamique, car nous étions très intéressés par la civilisation arabo-islamique, et par le rôle que cette civilisation a joué dans le développement de la civilisation occidentale ; et, en lisant ce qui a été écrit à propos de cette civilisation, en essayant de faire une série pour la télévision à propos de cette civilisation, parce que nous pensions, que nous voyions, que l'Occident ignorait presque complètement le rôle de la civilisation arabo-islamique dans le développement des affaires du monde, nous nous sommes intéressés à l'islam. Alors, nous avons découvert que les gens comprennent mal le Coran, et ça les paralyse... qu'est-ce qui a fait que le monde...
Ali Baddou : Quand vous dites les gens, ce sont les musulmans ?
Adel Rifaat : Les musulmans, exactement... bien sûr, les non musulmans comprennent mal aussi, mais ce n'est pas leur affaire... en fin de compte, l'islam, c'est l'affaire du monde musulman... et ce qui est curieux, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui se croient très musulmans, et qui ne savent pas ce qu'il y a dans le Coran. Nous avons eu plusieurs discussions avec des intellectuels, qui sont censés très bien connaître le Coran, et qui nous disent : « Ah, l'esclavage n'existe pas dans le Coran », ou par exemple « J'accepte tout ce qu'il y a dans le Coran, mais pas dans les hadiths. Alors, quand on leur dit : « L'esclavage existe dans le Coran », ils sont très surpris... alors nous avons écrit le livre pour montrer à ces gens-là que la grande majorité des musulmans ne comprend pas ce que c'est le Coran, et qu'il faudrait réfléchir sur ce sujet, parce que c'est ce sujet qui paralyse le monde islamique aujourd'hui.
Ali Baddou : Et d'où l'importance de ce livre, Penser le Coran, d'où l'importance de ces outils que vous donnez pour accéder au texte.
Interruption pour la chronique d'Alain-Gérard Slama, intitulée « Le Coran a bon dos », et qui déclare notamment : « Il existe une vulgate selon laquelle le Coran soulève, dans les sociétés démocratiques, un problème particulier, parce que certaines lectures affirment qu'il ne distingue pas Dieu de César, qu'il ne sépare pas la sphère publique de la sphère privée, mais j'observe quand même que cela n'a pas empêché la Tunisie, du temps de Bourguiba, de se laïciser, et que, dans nombre de pays musulmans, la référence religieuse n'est pas incompatible avec la modernité.
J'observe aussi le progrès économique, la protection sociale, l'individualisme démocratique ; et bien, il développe chez les musulmans d'Europe, et d'ailleurs, un processus de laïcisation, qui passe pas mal par les femmes, qui se concrétise par la réduction du nombre d'enfants par femme. L'islam n'échappe pas à la tendance lourde de sécularisation progressive et d'individualisation qui est propre à toutes les religions ; du coup, sans doute, d'autres lectures du Coran sont devenues possibles. S'il existe en France une résistance de l'islam traditionnel, c'est pour beaucoup du fait de notre regard, selon la formule de Sartre : « Je deviens ce que je suis sous ce que le regard de l'autre me fait », etc.
Ali Baddou, à ses invités : Une réaction à la chronique d'Alain-Gérard Slama, Adel Rifaat ?
Adel Rifaat : Il y a dans le Coran comme livre fondamental, comme lieu fondamental de la psyché musulmane, ce problème de savoir si la parole de Dieu peut être discutée, et tout ce que nous disons par notre lecture du Coran, c'est qu'elle est à la fois transcendante et inscrite dans l'Histoire, donc qu'elle peut avoir des pans qui sont relatifs. [SIC !]
Ali Baddou : Un mot pour nous expliquer comment s'est imposée cette volonté de lire le texte sacré des musulmans en le prenant à la lettre... quand s'est produite cette rupture, quand s'est imposée cette manière de se rapporter au texte, et qu'est-ce qui peut expliquer cette mise en perspective ?
Baghat Elnadi : C'est une question très difficile, la question que vous posez, parce qu'on ne peut pas expliquer ça... ça s'est passé, il y a onze siècles à peu près, dans des conditions tellement différentes qu'il est difficile de les imaginer.
Ali Baddou : Pourquoi, parce que c'est très loin ?
Baghat Elnadi : C'était il y a onze siècles, l'islam était en expansion, c'était un empire très fort, c'était le premier empire dans le monde, ça s'étendait du Maroc, de l'Atlantique, jusqu'à la Chine, et à cette période, il y avait une certaine tendance à la liberté de penser... bref, cette expansion s'est arrêtée à un moment, il y a eu des attaques à l'ouest, en Espagne, de la part des chrétiens, il y a eu es croisades pendant le 11e siècle, et il y a eu, à l'est, la tentative des Turcs de prendre le pouvoir, alors, je crois que le monde musulman s'est replié sur lui-même ; et quand on passe par une crise comme ça, on a tendance à chercher des dogmes.
Ali Baddou : J'aimerais comprendre comment, dans les temps modernes, on peut parler de lecture littérale du Coran, surtout si on regarde l'islam sur une mappemonde, ce sont des islams, en vérité, qui cohabitent. Quoi de commun entre l'islam qui est pratiqué au Maroc, traditionnellement, et celui qui a cours dans l'Iran chiite ? Quoi de commun entre l'islam qui est pratiqué en Indonésie et celui qu'on peut vivre au sud du Yémen ? Il y a des manières très différentes de se rapporter à ce texte, et lorsqu'on parle même de l'intégrisme, on n'a pas tout dit, Adel Rifaat, parce que même ceux qui prétendent lire le Coran et le prendre au pied de la lettre, en vérité ils ne sont pas d'accord entre eux, selon les régions où l'on cohabite.
Adel Rifaat : Evidemment, et d'un village à l'autre, vous avez l'impression que vous détenez la vérité, et c'est ça le fond du problème ; ils ne savent pas qu'il y a tous ces islams, il y a toutes ces divergences, ils n'en prennent pas conscience..
Ali Baddou : Pourtant ils le savent, lorsqu'on regarde aujourd'hui, par exemple, les conflits extrêmement violents, qui ont cours dans un pays comme l'Irak, entre les sunnites et les chiites, lorsqu'on voit la violence aveugle qui s'adresse, pas simplement aux forces américaines, aux troupes étrangères installées en Irak, mais contre d'autres musulmans, entre intégrismes on se combat aussi, mais alors comment ça s'explique ?
Adel Rifaat : Quand on dit qu'Ils ne le savent pas, ce n'est pas parce que l'information ne passe pas, ça ne percute pas... vous êtes là, vous savez, quand on est dans son petit coin, avec votre petit imam et les quelques bribes d'information que vous avez, on se dit que c'est ça la vérité, mais ils ne la connaissent pas. Là, vous posez des questions d'historien, mais nous ne sommes pas des historiens. Si nous pouvons, à notre très modeste niveau, participer à quoi que ce soit d'utile pour faire face aux problèmes évoqués, nous le faisons en nous plaçant au point névralgique où se conjuguent tous les malaises de ceux qui se réfèrent au Coran sans vraiment savoir ce qu'il dit, et à qui on a interdit de penser que « la parole de Dieu peut être relative aussi bien qu'absolue. »
A SUIVRE...