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Peut être / ll y a

Publié le 31 mars 2009 par Philippe Di Folco
" L'adjudant Giudici, qui avait toujours des serviteurs, trouva promptement naturel de charger Simon de commissions dans les bars ténébreux de ces rues qui traversent sous des ponts de fer le boulevard de Port-Royal, et qui unissent le quartier Mouffetard au quartier Broca et au quartier de la Santé.
[...]
Rosenthal expliqua à Simon les raisons métaphysiques, le sens et le mécanisme de la Conspiration; Simon écoutait et pensait que toute cette hardiesse était excessivement vaine, et quand Bernard lui déclara qu'il lui réservait un rôle au coeur même de l'affaire et le chargeait en somme d'inaugurer la Conspiration, André sentit qu'il n'avait aucune envie d'agir seul pour une révolution qui, décrite par Rosenthal, paraissait bien mythique, et qui ne le passionnait pas. Il répondit qu'il ne voulait pas se mêler à cette aventure et Rosenthal eut alors recours à des arguments de femme qui faisaient appel à l'amitié, à la fidélité, au souvenir, et qui défiaient Simon de refuser. Simon s'entêta à se défendre et ajouta que cette histoire lui semblait enfantine et parfaitement absurde, mais au bout d'une heure, il céda quand Rosenthal eut mis le débat sur un terrain insultant :
  -- Si tu ne veux nous suivre, ni par principe, ni par amitié, c'est que tu as peur. Est-ce que tu serais lâche ?
Simon se dit qu'il ne pourrait souffrir l'idée d'être discrédité aux yeux de Bernard et se jeta à l'eau.
[...]
L'armoire était à demi pleine de dossiers dont la chemise portait, écrit en ronde, le titre confidentiel ou le titre secret. Simon n'eut aucun mal à découvrir la seule pièce importante qui était le plan de protection de la 2e zone...
[...]
Simon dit à son voisin qu'il jouait bien; le soldat qui était liant répondit qu'il s'appelait Di Maio et qu'il était soliste dans un jazz, et il sortit de son portefeuille une photo où trois jeunes hommes et une femme groupés autour d'une batterie de jazz regardaient fixement devant eux; la peau de la caisse portait cette inscription au-dessous d'une guirlande peinte : "The Select's Jazz".
 
  -- C'est mes frangins et une amie, dit Di Maio. On fait les bals dans le XIIIe. Tu connais ?
Simon regardait les smockings des musiciens et la robe perlée de la femme qui lui rappelait Gladys :
  -- Si je connais, dit-il. Avant d'entrer en taule, j'étais à Lourcine, au 23e. C'est mon quartier.
C'est ainsi que Simon avant même de rentrer parmi les hommes retomba parmi les charmes ambigus du quartier des Gobelins. "

Paul Nizan, La Conspiration (Gallimard, 1938)


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