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Fenêtre sur jardin…

Par Goliath @Cayla_Jerome

Rien n'est plus troublant lorsque l'on est au calme, le soir après le dîner, dans son canapé confortable, qu'un détail qui revient comme une obsession ; chaque jour et à la même heure.

Cette ridicule obsession pourrait-être n'importe quoi, mais là, c'est d'une fenêtre qu'il s'agit. Un simple vantail, entravé d'une grosse barre de fer comme l'on en met par sécurité, posé sur le flanc droit de la maison de ma voisine. Rien d'importance en vérité et, je n'y aurai jamais prêté d'attention si cette ouverture ne laissait pas percevoir une lumière blafarde qui s'allume à heure fixe chaque soir.

Imaginez un peu, que chaque jour de l'année, la lampe sur sous-sol de votre voisine s'allume durant deux minutes seulement ! Reconnaissez qu'il y a matière à interrogation… Une personne raisonnable fera un rapide tour de l'affaire avant de conclure dans la hâte que la dame rentre de son travail par le bas, avant de regagner le haut, probablement.

Ce serait faire preuve d'un piètre sens de l'observation, car la dame, ne travaille plus.

D'un âge raisonnable pour être déjà veuve, elle n'occupe plus que deux pièces de sa désormais trop grande maison ; la cuisine et sa chambre. Le reste des volets restent hermétiquement clos pour signifier qu'ici, la vie c'est à jamais arrêtée. Une existence que l'on tente de tromper en se trouvant quelque occupation de jardinage s'il fait beau, ni plus haut ni plus bas que la hauteur du bras car la terre est basse, et s'en rapprocher plus n'urge pas vraiment. C'est une retraite sur le monde peuplée de solitude et de souvenirs que l'on caresse sans fin, jusqu'aux périodes de vacances où nait l'espoir que viennent les petits enfants.

Ce moment là est plus solitaire encore, car habité d'une vaine attente en l'unique compagnie de son espérance.

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Mais toujours rien qui ne justifie la présence d'une activité dans la cave à vingt et une heure sonnante, durant seulement deux petites minutes. Et surtout, le pire est que trois quart d'heure plus tard, le plafonnier s'éclaire de nouveau sur mes questions en en rajoutant plutôt que d'y répondre… Un instant, j'ai osé imaginer que des joutes amoureuses avec son époux, du temps de leur vigueur d'hier, alors qu'ils affectionnaient une certaine rivalité proche de quelques outrances conjugales ; l'homme s'était laissé fixer des chaînes scellées au mur par sa vengeresse de femme, et peut-être s'y trouvait-il encore.

A bien regarder la triste femme, cela n'était sûrement pas le cas.

Si cette lubie d'expédition au cellier avait été motivée par une envie de faire des travaux manuels pour tuer le temps, ces excursions auraient duré plus longtemps et on l'aurait déjà croisée avec de la peinture sur les doigts, un sarrau sale sur le dos ; son salon en serait décoré et accueillerait le soleil pour en profiter. En dehors de cela, le séjour sent le renfermé. Ca pue la vieille chouette entrée en hibernation de son propre chef dans un non décors d'adolescent trop vite grandi. Son intérieur est le symbole d'une vie interrompue brusquement. La seule fois où j'y suis entré, cette maison ressemblait à un sanctuaire, un vaisseau ivre livré à lui seul.

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Le monde d'aujourd'hui rend tout plus facile, sauf de bien connaître ses proches voisins, on se croise en nous saluant d'un signe de tête, d'un mot sur le trottoir avant de rentrer chez soi. Chacun déjà dans son intimité en tentant de se décharger du poids de sa journée de travail, alors que l'autre retourne rejoindre son quotidien peuplé d'improbables songes et de vrais soupirs.

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Ce n'est que parce que j'avais mis un chandail dans le lave linge et, que je patientais la fin du cycle pour le mettre à sécher, que je découvrais avec stupéfaction ; que quarante-cinq minutes étaient nécessaires pour que le modernisme nettoie un pull. Dès cet instant, tel un flash de lucidité, il m'apparut l'évidence que cette charmante voisine devait laver son linge tous les jours à même heure, en utilisant le programme à basse température !

A vivre seule, il faut bien rythmer les trop longues soirées.

Apparté :

Alors que Nicolas Sarkozy massacre la langue française, un correcteur et une journaliste consacrent un succulent ouvrage aux querelles et mystères grammaticaux. Sur hebdo.ch


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