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X 2472, de Jean Bollack

Par Florence Trocmé

X 2472 (7. 1. 09)

Le collectionneur Michel David-Weill, grand connaisseur des arts, est interrogé dans Libé (Vincent Noce, 6. I) sur le contemporain, l’art qui porte ce nom, et le regard de l’expert sur le passé. C’est pour lui le choc qui prime aujourd’hui, produit par des confrontations ou des juxtapositions, quasi gratuites et provocantes. On songe à l’exemple de Jan Fabre, chorégraphe et plasticien, invité à exposer ses oeuvres dans les salles des Écoles allemande et flamande au Louvre. À la fin David-Weill est interrogé sur l’histoire dans ce contexte créé. L’intérêt pour les « périodes très achevées dans l’expression », disparaît ; c’est que, d’une part, tout ce qui survit est également disponible, et, que de l’autre, on admire cette continuité dans l’évolution. Il répond que le progrès, qui est supposé régler cette continuité n’existe pas, rappelant à ce sujet le recul des arts avec l’effondrement de l’empire romain ; il souligne la contradiction qu’il y a à voir les « contemporains » affirmer « aussi leur croyance dans les arts primitifs » ; c’est en effet comme si un aboutissement avait préexisté, une anticipation de tout.

Le problème est évidemment plus complexe, ce que l’auteur n’ignore pas. On doit admettre qu’il existe bien un progrès global, coiffant très diversement les cycles culturels, et distinguer en conséquence la périodicité propre à chaque culture, qui a à chaque fois son mouvement propre, avec ses sommets et ses déclins. « La beauté, conclut-il, n’est pas historique. Elle existe par elle-même ». Si, elle est historique, et elle l’est toujours très fortement ; la production d’un tableau dépend d’une situation précise. L’oeuvre exprime un état de la culture ; plus elle est grande, plus elle dépasse sa propre situation, en même temps qu’elle en dépend. Notre propre culture se doit de son côté d’être historique pour pouvoir juger dans  le débat ou le conflit en cours. La place qui revient à l’art dans une culture est importante ou réduite. Le fait qu’il existe dans une société donnée dépend d’une volonté collective, qui s’exprime et se transmet : elle reconnaît les artistes et les distingue.

La recherche d’un dépassement de la condition humaine définit l’acte créateur et la reproduction libre d’un monde différent, elle est sûrement à l’origine de ce qui nous paraît beau. L’effet est donc commun à toutes les manifestations de l’art, des plus primitives aux plus raffinées et les plus « réverbérées », il transcende les conditions culturelles particulières. N’empêche que notre appréciation dépend largement, sinon même entièrement, de la faculté que nous avons de reconstituer les significations qui ont pu émerger dans un tel cadre, toujours particulier, mais plus ou moins identifiable. Le beau a paru beau, et diversement beau même à l’époque où le tableau a été peint. Peut-être l’art « contemporain » cherche-t-il à confondre et à choquer par une expérimentation, ouverte, voire totale, et intègre tout parce qu’il s’en prend à l’existence même de l’art, ou du moins à ses structures traditionnelles, à des canons fixes, observés et transgressés. La transformation à laquelle il aspire frappe, elle bouleverse. Se meut-elle encore dans un cadre qu’on peut appeler “esthétique”, incessamment élargi ?

©Jean Bollack

Contribution de Tristan Hordé

Les X de Jean Bollack


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