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Sicko

Par Rob Gordon
Après l'affreux Fahrenheit 9/11, Palme d'Or manichéenne et nauséabonde d'une facilité sans nom, il était bien difficile de savoir si Michael Moore allait repartir du bon pied ou s'enfoncer davantage dans des travers de plus en plus gênants. Plus modeste dans ses ambitions que ses projets précédents, Sicko offre en tout cas une réponse assez apaisante. Non, le Moore que l'on aime n'est pas mort ; oui, il a des choses à dire, et il les dit plutôt bien. Si le sujet n'est pas franchement neuf (qui ignore encore que le système de santé américain est une catastrophe ambulante?), le bibendum à casquette semble en être conscient, et privilégie l'anecdote au grandiloquent. Un traitement profil bas qui lui sied plutôt bien et tend à polir assez nettement les habituels défauts (parti pris, chantage à l'émotion) du réalisateur.
Et donc, le système de santé américain, il est tout pourri. Ce que Moore démontre dans une première partie, juxtaposant une kyrielle de vignettes pour le moins édifiantes avec un ton piquant et souvent drôle, qui évite la complaisance quand c'est possible. Il expédie ensuite les raisons politiques de cette débâcle, refusant à raison de se lancer dans une nouvelle guerre trop manichéenne contre les vilains républicains (qui sont certes vilains, mais un peu humains aussi, des fois). Moore se fait plus acteur qu'observateur, n'apparaissant jamais à l'écran durant les cinquante premières minutes du film. C'est une première. Ensuite, s'il réapparaît, c'est souvent parce que c'est nécessaire. Comme lorsqu'il décide d'aller visiter le Canada, puis la France, pour comprendre comme tout peut si bien marcher. Selon lui, en tout cas. L'herbe étant toujours beaucoup plus verte ailleurs, Moore considère que les systèmes de ses amis francophones sont parfaits. Et tresse des couronnes de lauriers un peu trop encombrantes pour nos petits crânes (faut-il rappeler que la dette de notre sécurité sociale est un gouffre sans fond?). C'est dans ces moments un peu excessifs qu'on se rappelle que Moore n'est pas un si bon enquêteur : il sait trouver les bonnes personnes, filmer quand il faut, mais ne pousse jamais ses investigations assez loin.
En revanche, Moore est un excellent empêcheur de tourner en rond. Utilisé malgré lui comme un moyen de pression ("aidez-moi ou j'appelle le gros Mike"), iln'a parfois rien à envier aux fameux Yes Men lorsqu'il démontre que les mieux soignés sont les prisonniers de Guantanamo. S'en suit une visite fluviale assez délirante, suivie d'une consultation à Cuba pour les pauvres américains n'ayant pu se faire soigner chez eux faute d'argent. Extrêmement divertissant, Sicko n'empêche cependant pas de douter de l'intégrité du documentariste, aux méthodes et aux raisonnements parfois discutables. Il n'empêche : le film est un joli coup de pied dans la fourmilière d'un rêve américain où même les fameux héros du 11 septembre ont fini par être totalement délaissés.
7/10

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