Skulptur Projekte, à Münster jusqu’au 30 Septembre.
L’intérêt de cette manifestation est de se promener au gré des rues et des jardins, et d’y découvrir oeuvres de l’année ou pièces anciennes qui ont subsisté. En voici donc quelques-unes, au hasard de mes flâneries, à pied et en vélo.
Celle qui m’a le plus impressionné date de 1987. Le Zwinger est un bâtiment cylindrique, à moitié en ruines, qui faisait partie des fortifications de la ville, puis qui fut une prison, la résidence d’un peintre et de nouveau une prison sous le 3ème Reich. On entre précautionneusement dans cette demi-ruine romantique à souhait. On avance dans la pénombre, de cellule en cellule, attiré par des loupiotes rougeâtres vacillantes comme les âmes des prisonniers morts ici et par le bruit métallique de dizaines de marteaux mécaniques qui frappent la pierre à intervalles réguliers, comme autant de piverts acharnés. Cette scansion devient obsédante, on s’enfonce plus profond dans la spirale du bâtiment, et on parvient au puits central, coiffé d’un dôme transparent, soudain inondé de lumière. Dans cet atrium circulaire, l’eau de pluie se collecte et tombe goutte à goutte, toutes les 20 secondes, dans un bassin métallique entouré de fougères. Rebecca Horn a su créer ici une installation magique, initiatique, qui évoque l’esprit des lieux, les gémissements qui l’ont peuplé et le souvenir. C’est le Concert contraire.
Dans la forêt du parc du château, au milieu d’une allée cavalière, on ne remarquerait pas ce petit édifice octogonal : ses parois de verre reflètent les arbres environnants, son toit couvert de feuilles mortes se fond dans les couleurs du sous-bois. Si vous y pénétrez, vous verrez sans être vu à travers les glaces sans tain, tel un chasseur à l’affût. Dan Graham, plus familier des contextes urbains, a ici réalisé (en 1987) un édifice sylvestre, plus sauvage, plus poétique aussi, un Octogone pour Münster.
Près du lac, Ilya Kabakov a planté une immense antenne de télévision en râteau. Vous vous couchez dans l’herbe en dessous, vous regardez le ciel, vous écoutez le vent; et les mots qui sont écrits dans le ciel, entre les branches de l’antenne, s’imposent à vous comme une évidence : “Mon amour! Tu es couché dans l’herbe, la tête en arrière; pas âme qui vive autour de toi. Tu n’entends que le vent et tu regardes le ciel, tout ce bleu au dessus de toi et ces nuages qui flottent. C’est peut-être la plus belle chose que tu aies vue, et faite, de ta vie”. C’est une installation quasi transparente, naturelle, rêveuse. Tout près, deux cercles en béton de Donald Judd et, leur répondant 30 ans après, un bosquet fendu de Rosemarie Trockel.
Enfin, je suis passé vite sous une arche de Buren très prévisible, à travers un tunnel peuplé de personnages un peu ennuyeux de Valérie Jouve, devant une ménagerie de Mike Kelley où ânons et veaux viennent lécher une statue en sel de la femme de Lot, et aussi dans le chant de Susan Philipsz, qui, telle une sirène, vous attire au bord du lac sous un pont routier. Concluons avec une statue baroque à cent bras de Huang Yong Ping : sur un gigantesque égouttoir à bouteilles, duchampien bien sûr, des bras brandissent qui une pagode, qui un idéogramme, qui une casserole. Mais la tête de Karl Marx n’est pas venue à Münster, hélas !
Photos 1, 2 et 3 courtoisie Stadtmuseum Münster. Photos 4 et 5 de l’auteur. Photo 6 provenant du site de la ville de Chemnitz.
Rebecca Horn et Ilya Kabakov, copyright ADAGP : les photos de leurs oeuvres seront retirées du site à la fin de l’exposition, conformément aux demandes de l’ADAGP.