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Grand Prix Palatine du Roman Historique

Par Albrizzi

Le 7 avril dernier, au musée Carnavalet, Irène Frain a reçu le Grand Prix du Roman Historique pour "Les naufragés de l’île Tromelin". Le jury était composé de Stéphane Bern, absent, Jacques Chancel, Floryse Grimaud, Karin Hann, Jean-Marc Léri, Pascal Ory, Daniel Picouly, Jean-Marc Ribes, Jacques de Saint-Victor, Gilbert Sinoué et Philippe Vallet.
Peut-on imaginer destin plus cruel et plus terrible que celui des soixante esclaves noirs d’origine malgache, qui furent abandonnés sur un îlot à l’est de Madagascar en 1761 à la suite d’un naufrage ?
Irène Frain tient cette histoire, vraie, d’un capitaine de vaisseau, Max Guérout. Il l’avait lui-même déterrée des Archives nationales de Paris et de la bibliothèque de la Compagnie des Indes à Lorient. Horrifiée par ce qu’elle venait de recueillir, mais aussi tenaillée par l’irrépressible envie d’en savoir plus et de réhabiliter ces 160 hommes et femmes, embarqués frauduleusement à bord de L’Utile, un navire battant pavillon français, la romancière partit sur leurs traces. Loin d’être imaginaire, son voyage fut physique et géographique puisqu’elle se rendit avec Max Guérout dans l’Océan indien, sur ce bloc de corail, brutalisé par les ouragans et les déferlantes.
Que toutes celles qui pensent ne pas être concernées par des récits de marins revoient ici leur jugement ! Irène Frain, l’auteure entre autres du Nabab et de Le bonheur de faire l’amour dans sa cuisine et vice-versa, a la plume légère et l’art d’intéresser les amateurs, même les moins éclairés, aux problèmes d’une bande de naufragés. Lorsque L’Utile, flûte de huit cents tonneaux, talonne brusquement, c’est-à-dire touche de la roche, l’espoir d’être secouru est inexistant. Le lieutenant Castellan, qui a pris en main les commandes du bateau après la disparition du capitaine Lafargue, en est conscient. Comment pourrait-on les retrouver et les secourir puisque leur lieu-dit n’existe sur aucune carte ? L’unique solution est de construire un radeau. Alors que les marins renâclent, les esclaves aident ceux-là même qui les avaient parqués comme des bêtes sauvages à fond de cale. L’avenir ne leur donnera pas raison et leurs maîtres blancs ne les remercieront pas. Un bateau de fortune s’enfuit, sans eux ! Castellan leur a promis de revenir... La suite est dans le livre. Racontée sans extrapolation.
Ce n’est pas un hasard si Irène Frain a reçu le Grand Prix Palatine du Roman Historique, elle a pris le parti de coller au plus près de la réalité, en s’immergeant dans les détails relatés à l’époque. Ce prix, financé par la Banque Palatine, et dont c’est le deuxième crû, couronne un roman alliant rigueur historique, qualité romanesque et originalité de l’intrigue, qualité littéraire et stylistique de la narration. En 2008, il avait été attribué à Jean Teulé pour « Le Montespan ». Peu nombreuses furent les voix qui s’élevèrent pour dénoncer la traite des noirs, mais suffisamment pour mettre en branle la grande machine qui mena à l’abolition de l’esclavage en 1794.
Les autres titres en lice étaient : « L'avers et le revers » d'Olivier Merle (édition de Fallois) « Le jumeau de l'empereur » de Jacques Forgeas (Robert Laffont) « 1630, la vengeance de Richelieu » de Jean-Michel Riou (Flammarion) « Obscura » de Régis Descott (JC Lattès)
Les naufragés de l’île Tromelin d’Irène Frain, Michel Lafon, 380 p., 20 euros.

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