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LA JOURNEE DE LA JUPE de JEAN-LOUP LILIENFELD

Par Abarguillet

Rezo Films   VIDEO

Vu la semaine dernière sur Arte, ce film coup de poing, sorti en salle hier 25 mars, ne peut laisser personne indifférent. Porté par une Isabelle Adjani qui semble ne faire qu'un avec le personnage de Sonia Bergerac, une prof de français comme tant d'autres, qui s'apprête à affronter pendant les 60 minutes de son cours, des élèves au bord de l'insurrection. A peine a-t-elle refermé la porte de la classe qu'ils l'invectivent, la menacent, l'insultent. Visiblement déprimée, déjà usée avant l'âge, la jeune femme - au bord de la crise de nerfs ou d'épuisement - découvre soudain dans le cartable d'un arrogant jeune beur un pistolet dont elle va se saisir afin de retourner la situation à son avantage et faire en sorte que la violence change de camp. Nous allons ainsi assister à une tragédie classique, un huit-clos inimaginable il y a seulement quelques années, d'un professeur donnant son cours après avoir pris ses élèves en otage. Dès les premières images le ton est donné et la tension ne fera que s'intensifier lorsque le directeur du lycée, ayant alerté la police, celle-ci arrive sur les lieux, cherchant par des moyens très souvent contestables et brouillons, à régler au mieux une situation paroxysmique. Intervient alors une ministre de l'intérieur vraiment peu crédible. Ensuite rien ne nous sera épargné de la lâcheté et de la veulerie des uns et des autres, du proviseur et des parents d'élèves se refusant tous à analyser la situation avec lucidité, les uns proférant l'anathème à l'encontre de ce prof  trop fragile et sans nul doute raciste, les autres se réfugiant dans le silence par crainte des représailles. On assiste ainsi à l'étalage de tous les poncifs qui font qu'aucun des problèmes concernant l'éducation sont actuellement en voie d'être résolus de manière rationnelle. Une seule collègue courageuse téléphonera en cachette à Sonia Bergerac pour l'assurer de son soutien indéfectible et la supplier de tenir bon. Mais Sonia, à l'évidence, ne se fait aucune illusion : la responsable, le bouc émissaire, ce sera elle, elle seule. On comprend alors à quel point les femmes sont plus exposées que les hommes dans une société qui ne parvient plus à faire respecter le droit et la loi. C'est la raison pour laquelle Sonia Bergerac voudrait instituer la journée de la jupe, de façon à dire haut et fort que la femme qui porte les emblèmes les plus classiques de sa féminité n'est pas pour autant une pute. Effroyable mélange des genres qui permet à des populations d'assimiler la féminité à la luxure et regard sans concession porté sur les conditions désastreuses de l'enseignement en France. La fin de ce huit-clos est dans la droite ligne du combat engagé : bien sûr tant de violence, d'aveuglement, de haine ne peuvent se conclure que dans le sang et les larmes...


Isabelle Adjani. Rezo Films

Ce film courageux pose sans ambages les problèmes qui concernent chacun de nous, car personne ne peut se dérober à un état de fait qui risque d'engendrer les pires catastrophes. L'enseignement est ce qui permet aux plus démunis de s'approprier les outils culturels indispensables pour sortir de leur condition et s'assurer un avenir décent. C'est d'ailleurs ce que ne cesse de leur dire, avec un accent de sincérité bouleversant, dans les conditions dramatiques qui sont les siennes, leur professeur. N'est-elle pas là pour les aider, n'a-t-elle pas consacré sa vie à les former, à les éduquer, afin d'en faire des adultes responsables. Isabelle Adjani se fait leur avocat sans qu'ils s'en rendent compte, adolescents refermés sur eux-mêmes, leurs préoccupations immédiates, leurs pulsions instinctives. Rien ne passe plus d'elle à eux, sinon cette violence née d'une peur inexplicable, irraisonnée, inavouée.

Balançant entre drame, plaidoyer, témoignage, ce long métrage n'est pas dénué de défauts, ni exempt de maladresses, mais il a l'avantage de frapper fort et juste. Bien sûr, rien d'innovant dans une mise en scène linéaire et banale ; rien de stupéfiant, de sublime ( je l'ai lu dans plus d'une critique ) dans le jeu toujours un peu forcé d'Isabelle Adjani, dont on sait qu'elle se plaît dans les drames les plus sombres, mais une fable terrible et, je le suppose, hélas ! ( car je ne suis ni élève, ni professeur ) un constat accablant.
Une mention spéciale pour les jeunes acteurs, tous épatants.


Rezo Films

 

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