Le 15 avril 2009
Objet :
« Sans-papiers et "débilité intellectuelle" ! »
Monsieur Michel Tubiana
Président d’honneur
Ligue des droits de l'Homme
138, rue Marcadet
75018 PARIS
Courriel : [email protected]
[A l’attention de Jean-Claude Dubois]
Monsieur,
Le débat surréaliste, tant sur la forme que sur le fond, auquel vous avez
participé avec Stéphane Maugendre, président du GISTI, dans les « Matins » de France Culture du 13 courant, me donne l’occasion de vous rappeler l’abondant courrier adressé à
votre association depuis le 3 janvier 2001, aussi bien à vous-même qu’à votre successeur, Jean-Claude Dubois (cf. lettre du 29 mai 2008), pour établir les mensonges et la « débilité
intellectuelle » de l’époque, fondés uniquement sur le penser superstitieux humain dans ses « croyances au miracle ».
Le débat contre-nature incriminé me permet également d’illustrer, on ne peut
mieux, ma lettre du 11 courant à France Culture précisément, au sujet des condamnations moralisatrices de l’époque sur lesquelles prospèrent vos deux associations ainsi que
toutes celles qui n’ont de cesse de donner des leçons de morale aux Autres – au frais du contribuable, évidemment ! Toutefois, si c’est son droit le plus légitime de vouloir demeurer
naïf, cocu, imposé, content et frustré, il semble nettement moins justifié pour les prétendus « vertueux » de faire les généreux
avec l'argent des autres !
Sur le fond tout d'abord, votre « débat », pour peu qu’il puisse être
ainsi nommé, se limitait à « opposer » deux invités entièrement d’accord sur la question prétendument débattue, à savoir l’immigration clandestine - autrement dit
illégale -, au point que le seul réel opposant s’avéra être Olivier Duhamel, député européen socialiste et chroniqueur à France Culture, puisqu’il apportait des réserves à vos
propos absolutistes, ou intégristes.
Ceci en dit long sur la « malhonnêteté intellectuelle » de l’époque, quand on en juge au vu d’un soi-disant débat, où les trois participants sont par avance d’accord sur l’essentiel -
et ce n’est pas l’intervention téléphonique de Corinne Lepage, candidate aux futures élections européennes sur la liste du MoDem, qui viendra ajouter quelque crédit à un débat
« partisan », exclusivement à charge contre la politique en la matière du chef de l’Etat, de son gouvernement et de l’actuelle majorité parlementaire !
Ensuite sur le fond, comme je pense avoir déjà amplement
exposé mes arguments dénonçant le penser idéologique et moraliste superstitieux dans la
lettre adressée à Jean-Claude Dubois - arguments, dont vous aviez été également largement informé auparavant -, je me borne à réaffirmer ici que toutes les condamnations
moralisatrices d'aujourd'hui se fondent uniquement sur un catéchisme, dont les dispositions n’expriment pourtant RIEN d’« absolument absolu » - sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment de démontrer le contraire !
Certes, l’époque ne manque pas une occasion d'attester
sa « débilité intellectuelle », comme ce fut notamment le cas en parvenant à faire croire jusqu’au plus haut sommet de l’Etat et de ses institutions, président de la République et
Parlement, qu’une quelconque chose humaine, fut-elle la période coloniale, pouvait comporter « exclusivement » du "contre", du négatif, des inconvénients. Pour ce faire, elle a
ainsi invoqué, une fois de plus, le prétendu Mal absolu - et ce, dans un monde où tout est relatif, sauf encore à vous-même ou à quiconque de
démontrer le contraire !
Ce n’est d'ailleurs pas non plus le moindre des
paradoxes de l’époque, et donc une nouvelle occasion de mettre en lumière sa « débilité intellectuelle », de voir des avocats « plaider » en faveur de ceux qui violent le
Droit, fut-ce en matière de franchissement illégal des frontières, alors qu’ils se retrouvent régulièrement dans des prétoires, ou s’y sont trouvés, pour faire condamner des inculpés
censés avoir enfreint la loi ou des règlements. Mais il est vrai que la profession d’avocat condamne à la schizophrénie, puisque conduisant à plaider « tout et son contraire », selon
que l’on se retrouve aux côtés de la partie civile ou des inculpés – donc, à l’occasion, en position de « procureur » !
Alors, examinons ici brièvement, puisque je l’ai déjà
fait maintes fois, ce catéchisme sur lequel vous fondez vos condamnations moralisatrices, vos accusations publiques. Il a la prétention de dire le Bien et le Mal absolus,
ou mensongèrement présentés comme tels, alors que tout est relatif dans notre monde – sauf toujours à vous-même ou à quiconque,
évidemment, d’établir le contraire sur ce dernier point ! Faute d’y parvenir, vous seriez donc contraints de reconnaître que vous tombez aussi dans
l’ « absolutisation » fictive du relatif, ce qui est la caractéristique fondamentale de la Superstition dans ses
divers modes d’expression (religion, spiritualisme, scientisme, idéologie et moralisme).
Et ainsi ce Bien et ce Mal absolus, au nom
desquels vous jetez vos anathèmes et traduisez des individus devant des juges, en jetant l’opprobre sur eux, s’avèrent-ils n’être, en réalité, qu’une « imposture »,
une véritable « escroquerie intellectuelle planétaire » – sauf à vous-même ou à quiconque,
évidemment, de démontrer le contraire en établissant l’absolue « absoluité » du Bien et du Mal sur la Terre ! A défaut de l’établir, vous aurez au moins
fourni la preuve que vos condamnations moralisatrices ne sont que des mensonges, à l’exemple de ceux utilisés pour réduire au silence de grands diseurs de LA Vérité éternelle
absolue, parmi lesquels Socrate, le Christ, Giordano Bruno et Spinoza – et ce, toujours pour le plus grand profit des superstitieux « censeurs » de toutes les époques,
intéressés à un titre ou à un autre !
Par ailleurs, malgré la prétention à le déclarer
universel, ce catéchisme s’avère n’être qu’un recueil de vœux pieux dans son ambition folle
de croire pouvoir transposer l’Idéal dans le quotidien, en
matière de liberté et d’égalité notamment, alors qu’il sert surtout aux censeurs à limiter la liberté d’expression de ceux dont les propos dérangent leurs intérêts partisans, en particulier
communautaristes aujourd’hui. Examiné sur le fond, il est tellement une illustration de la « méthode Coué » qu’il fut qualifié de « lettre au Père Noël », lors de sa
déclaration au monde, par Jeane Kirkpatrick pourtant active militante des droits civiques. Il n’est rien d’autre en réalité, hormis l’aide apportée à la moulinette des censeurs autoproclamés,
privés sans lui de leur armure de justiciers de l’Idéal, puisque LA Morale n’est en somme qu’une arme contre les Autres, mais sans grande efficacité pour régir les comportements
individuels – y compris ceux des censeurs !
Pour s’en convaincre, il suffit de constater que seule l’inobservation du catéchisme pseudo-planétaire est réellement universelle, y compris de la part des censeurs eux-mêmes, que ce
soit ici ou dans leurs pays d’origine – sauf à vous-même ou à quiconque, évidemment, d’établir le contraire, à l’aune du devenir du monde depuis soixante ans, soit
approximativement sa date de proclamation ! Faute d’y parvenir, je vous accuse donc par avance de mensonges et de manipulation de l’opinion, car la seule et réelle intention
des censeurs, essentiellement de gauche, est de réduire au silence ceux dont les propos contrarient leurs propres points de vue égoïstes. Ce n’est sûrement pas sans solides arguments que
Jacques Vergès a déclaré sans aucune ambiguïté : « La gauche est moralisatrice, et c’est au nom de LA Morale qu’elle jette ses anathèmes ! »
Les partis de gauche et les associations moralisatrices
qui leur emboîtent le pas semblent ignorer, ou préfèrent méconnaître, que même nos opinions, a fortiori nos revirements d’opinion, nos engagements et nos luttes dépendent de notre seul
égoïsme, à un quelconque titre, comme il en va de tous les choix égoïstes « pour » ou « contre », assurément légitimes au regard de notre nature
égoïste innée. C’est particulièrement le cas, à l’occasion de décisions politiques, telles que le retour dans le commandement intégré de l’OTAN et les tests ADN, par exemple, ou encore
lors de la première réforme venue, CPE, organisation de l’école, programmes scolaires, enseignants chercheurs, autonomie des universités, retraites du secteur public, etc., etc., voire dans
n’importe quel scrutin que ce soit. Toutefois, si vous voulez apporter la preuve du contraire, ne vous gênez surtout pas pour établir votre « altruisme » inné - celui des
« vertueux », en général !
Néanmoins, si vous prétendez agir au nom de
l’Idéal dans vos combats, je vous accuse par avance de mensonge et de manipulation de l’opinion, car vous ne connaissez pas l’Idéal « en soi » - pas plus que
quiconque ! Pour vous permettre d’en juger valablement, si nécessaire, je vous renvoie au passage approprié de ma lettre du 11 courant à France Culture, jointe à ce
courrier, et il ne faudra donc pas vous gêner pour démontrer le contraire, ou tout au moins pour avancer vos objections intellectuellement et philosophiquement étayées.
Si je n’ai pas supprimé l’abondante partie de la lettre
consacrée à la religion et au scientisme, c’est, non seulement pour montrer que ces deux modes d’expression de la Superstition témoignent également de la « débilité intellectuelle » de
l‘époque, mais surtout pour souligner leurs réelles répercussions sur la marche du monde. Personne ne saurait nier, en effet, combien de simples caricatures portant sur le penser
superstitieux ont mis le monde en émoi, sans oublier les attentats perpétrés en son nom, ainsi que les pratiques quotidiennes, précisément attentatoires aux droits de l’Homme en méprisant
ceux de la femme. Pour ce qui est du scientisme, chacun peut mesurer à quel point le catastrophisme actuel du réchauffement climatique rythme également les préoccupations de la planète,
c’est-à-dire d’un monde en perpétuel mouvement, que les rêveurs du XXIe siècle se font fort de stabiliser - donc d'arrêter, en somme !
En conclusion, compte tenu du très long développement
argumenté figurant dans les deux documents annexés, à savoir ma lettre du 18 septembre dernier à Nicolas Sarkozy et celle du 11 courant à France Culture, je me borne à reproduire ici
l’ultime paragraphe de la seconde lettre :
« Pourtant, si ce vœu s’appliquait, au moins, aux
condamnations moralisatrices de toutes sortes, au lieu de jeter constamment l’opprobre sur les Autres sans en être digne pour autant, ce serait déjà un immense progrès
pour la justice et la liberté d’expression. Et pour cala, il suffit de vous fonder sur la réelle et véritable distinction entre la morale, à savoir le
moralisme superstitieux, et l’éthique, dont ma définition personnelle est la suivante : « L’éthique, c’est la morale débarrassée de ses
croyances superstitieuses et de ses condamnations moralisatrices », au point que le mot « morale » ne se rencontre pas, une seule fois, dans l’Éthique –
mais il ne vous est pas interdit de contester, en démontrant la fausseté de cette définition ! » [Fin de citation]
Dans l’attente de vos éventuelles objections
intellectuellement et philosophiquement étayées, à défaut de quoi vous manifesteriez votre intention délibérée de continuer à colporter les mensonges et les « croyance au
miracle » du monde, donc à tromper et à manipuler l’opinion, je vous remercie de votre attention et vous prie d’agréer, Monsieur, mes
salutations distinguées.
Annexe : I – Lettre du 18 septembre 2008 à Nicolas Sarkozy
II – Lettre du 11 avril 2009 à France Culture