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« Le succès est merveilleux, mais il implique l’effort de suivre le rythme de cette nymphe infidèle qu’est la popularité» (C. Chaplin).

Publié le 17 avril 2009 par Delits

populariteQuand on parle de sondages et de cote de popularité, les instituts de sondages rivalisent de créativité pour apparaître comme « la » référence. Concernant le duo exécutif, plusieurs instituts publient leurs résultats chaque semaine ce qui provoque parfois l’ire des observateurs lorsque deux instituts semblent se contredire et l’incompréhension de l’opinion lorsque les tendances paraissent s’inverser d’une semaine sur l’autre. Ces différences sont, le plus souvent, le résultat de questions légèrement différentes reflétant divers aspects de la popularité de l’exécutif : « l’opinion à l’égard du chef de l’Etat » (Ipsos), « la satisfaction à l’égard du chef de l’Etat » (Ifop) ou « la confiance dans l’exécutif » (CSA).

Concernant la popularité des personnalités politiques françaises, le baromètre Ifop Paris Match est aujourd’hui une référence. Lorsque l’on se penche sur ces chiffres chaque semaine, l’attention se concentre invariablement sur les « front-runners » (ceux qui font la course en tête) et leurs poursuivants ; en deux mots cet exercice est devenu une épreuve à part entière pour tous les responsables politiques.

Si la course aux premières places (« horse race » en anglais) est devenue une épreuve reine en politique, il est intéressant de s’interroger sur les mécanismes et les détails qui poussent les Français à soutenir ou délaisser les personnalités politiques. Tentatives d’explication.

La météo des ministères

Être ministre représente un aboutissement politique, mais cette responsabilité implique une exposition médiatique importante. À ce petit jeu là, les journaux télévisés et la presse people compte au moins autant que les déplacements officiels. Le choix du ministère et de son appellation est souvent très difficile à dépasser pour un ministre encore méconnu. À l’inverse, de nombreux hommes politiques se sont construit une image en un « mandat » de ministre : par exemple Jack Lang à la culture ou Robert Badinter à la Justice.

Plus près de nous, l’exemple de Brice Hortefeux est digne d’intérêt car il témoigne de la difficulté d’exister au-delà d’un ministère parfois trop « marqué ». L’ « ami de trente ans » de Nicolas Sarkozy était inconnu par 42% des Français lorsqu’il a été nommé au mois de mai 2007 et seulement 33% en avaient une bonne opinion. En mars 2009, après deux ans au Ministère de l’Immigration, de l’Intégration, de l’Identité nationale et du développement solidaire (souvent résumé en « ministère de l’immigration » !) les Français qui ont une bonne opinion sont toujours aussi peu nombreux : 33% mais ils ne sont plus que 25% à déclarer ne pas le connaître. On observe ici toute la force des images ; en effet, Hortefeux n’a été médiatisé qu’avec des sans papiers ou pour annoncer des chiffres de reconductions à la frontière.

L’apolitisme et le centrisme, des assurances tous risques aux yeux des Français

À l’inverse, Jean-Louis Borloo pourrait être un exemple à suivre pour tous les nouveaux ministres. En moins d’un an, de mars 2004 à mai 2005, sa cote a bondi de 33 points (de 24% à 57% d’opinion favorable). L’ancien maire de Valenciennes a pour lui un avantage qui plait et qui séduit les Français : le Président des Radicaux demeure en dehors de l’UMP et il a été pour beaucoup le premier signe de la volonté d’ouverture du président Sarkozy. En s’achetant une bonne conscience avec un ministère à forte consonance « sociale », Nicolas Sarkozy assure à Borloo une cote de popularité comparable à celle de Bernard Kouchner,

Le fondateur de Médecins Sans Frontières, désormais Ministre des Affaires Étrangères et symbole de l’ouverture version « Sarkozy 2007 » est également un cas d’école de ce qu’il faut faire pour plaire. En restant en marge des luttes internes de son parti pendant des années tout en prenant la parole tel un sage, le docteur Kouchner a su apparaître comme le chouchou, le bon client, voire l’idéaliste providentiel. En écumant les zones de conflits, en se faisant le défenseur des victimes internationales, Kouchner s’est vu ériger une statue où ses 72% de bonne opinion moyenne depuis 2002 le font rayonner autant à droite qu’à gauche.

Enfin, ces deux modèles se distinguent par un rapport très proche, presque fusionnel avec l’opinion et les problèmes de chacun. Pourtant, aussi populaires qu’ils puissent l‘être, ni l’un ni l’autre n’a encore tenté une aventure présidentielle ; cette dernière marche implique sans doute un positionnement plus tranché car en politique, on ne gagne qu’en choisissant son camp.

Action et charisme sont cruciaux pour exister

Si le choix du Ministère et la personnalité des leaders sont importants, les convictions et l’habileté à se positionner dans le débat public font partie des atouts pour bénéficier d’une cote de popularité remarquable. Ainsi, de nombreuses personnalités ont souhaité figurer dans ce classement mais le manque de notoriété leur a souvent été fatal ; l’exemple d’Eric Woerth est très parlant à ce sujet.

Depuis sa prise de fonction, le Ministre du Budget oscille entre 17 et 26% d’opinions favorables mais surtout sa notoriété n’a progressée « que » de 12 points en deux ans. Aujourd’hui, plus d’un Français sur deux n’est pas capable d’émettre un avis sur le Ministre en charge du Budget de l’Etat… L’activisme de sa ministre de tutelle, C. Lagarde (+40 points de notoriété), joint au peu d’intérêt de l’opinion pour son portefeuille lui impose la compagnie de la famille Le Pen en queue de peloton.

En effet, Marine et Jean-Marie Le Pen sont très bien identifiés (100% et 97% de notoriété) mais leur positionnement politique ne sollicite que très peu d’opinions favorables à leurs égards (18% pour le leader du FN en mars 2009). À l’inverse, Olivier Besancenot bénéficie d’une excellente cote de popularité : 60% sur 2008/2009. Entre la bonhommie du facteur et sa capacité à comprendre les problèmes des Français et le choix politique d’un ancien poujadiste qui se place en marge de la société s’est installé un grand écart de popularité de l’extrême gauche à l’extrême droite.

Enfin, le charisme n’est rien sans le courage politique. En faisant scandale lors de la visite du président Kadhafi, en se prononçant pour un boycott des Jeux Olympiques de Pékin si la situation au Tibet ne se normalisait pas et en refusant de se présenter aux élections européennes Rama Yade est devenue un symbole pour les jeunes, les femmes et les personnes issues de l’immigration. Au final, sa cote de popularité a grimpé de 46% à 71 % d’opinion favorable entre « sa première sortie » et aujourd’hui.

Loin des yeux…Près du cœur ?

On vient de voir à quel point l’action politique était primée par les Français. Se battre, le montrer et persévérer, semble être la recette miracle pour exister sur la scène politique. Cependant, l’attitude inverse peut également s’avérer intéressante du point de vue de la popularité. Ainsi, Dominique Strauss-Kahn et Alain Juppé ont démontré que l’exil pouvait être une manière de devenir plus populaire en suscitant le désir.

Candidat malheureux à l’investiture socialiste, il s’est vu propulser à la direction du FMI et sa cote de popularité a bondi de 59% à 71% entre mai et septembre 2007. De la même façon, les anciens Présidents Giscard d’Estaing et Chirac sont aujourd’hui des cadors de cette course à la popularité, chacun choisissant avec précaution ses « sorties », sur l’Europe, les éoliennes et la politique actuelle du Président Sarkozy. Ces résultats permettent d’appréhender la difficulté à garder une marge de manœuvre vis-à-vis de l’opinion lorsque l’on est aux affaires. L’urgence de l’actualité impose un agenda précis et nécessite des prises de position rapides et parfois impopulaires.

Popularité et scrutins

Le baromètre de popularités comme celui de l’Ifop permettent de faire émerger une sorte de mode d’emploi de l’opinion. Les atouts-clés sont les suivants : bénéficier d’un passage ministériel afin de bénéficier de la notoriété suffisante pour émerger, défendre une cause qui interpelle l’opinion, démontrer une certaine proximité avec les Français et attirer vers soi de multiples critiques de la part de la classe politique.

Mais être populaire ne signifie pas nécessairement être élu, et la cote de popularité ne se convertit pas mécaniquement dans les urnes. Le meilleur exemple est celui de Jean-Marie Le Pen, qui, abonné aux bas de classements de popularité a réussi à réaliser des scores élevés à de nombreuses élections, devançant des personnalités considérées comme plus populaires que lui. Ainsi les cotes élevées atteintes par Nicolas Sarkozy, Ségolène Royal et François Bayrou lors de la campagne présidentielle de 2007 semblent plus être la conséquence de leurs campagnes respectives, que le fondement du succès de leurs candidatures.

Et cette étude sur la popularité des hommes politiques nous apporte un enseignement peut-être inattendu : la popularité ne sert en réalité pas les ambitions personnelles. Elle permet de faire progresser des idées, offre la possibilité de médiatiser une cause mais le consensus populaire n’est pas particulièrement souhaitable en politique…et surtout en France.


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