Tous deux se taisent. Lui, parce qu’il a choisi de vivre en marge de la société. Il colle des prospectus sur les portes et s’introduit dans les demeures dont les propriétaires semblent absents ; puis se love dans l’existence que lui suggèrent les lieux, prend un bain, se fait à manger… et rend de menus services aux propriétaires, lessive, bricolage.
Elle, parce que son mari l’a frappée, oppose un mur de silence aux excuses, aux promesses faciles, aux reproches de celui qu’elle n’aime plus.
Parfois donc, la maison n’est pas vide : il y a une femme, la lèvre en sang, tapie dans un coin. Il s’en va. Finalement il revient, et silencieusement s’affaire à réparer, là encore, ce qui ne va pas dans la maison. Elle part avec lui.
La première partie du film Locataires de Kim Ki-Duk est le récit de l’errance du couple : le garçon reste enfermé dans son rituel, les prospectus, les photos dans les appartements occupés, le soin maniaque avec lequel il lave, répare, l’entraînement de golf avec une balle attachée à un arbre… mais la fille peu à peu s’impose sur les photos, dans son jeu, dans sa vie de fantôme.
A leur suite, on visite de somptueuses propriétés et des appartements délabrés, abandonnés par des couples en voyage de noces ou des photographes en déplacement. Lorsqu’on les voit en vrai, ces occupants sont agacés, violents, pas toujours recommandables, mais quand on se contente de les avoir pour hôte invisible, ils sont très fréquentables.
(NB : est-ce que les jeux d’entraînement au golf sont si fréquents en Corée ? est-ce que les planches à laver le linge sont si courantes dans les salles de bain ? telles étaient les questions que je me posais –entre autres – durant cette première partie).
La suite est plus violente : elle sépare les amants, les rend à ce qu’ils ont fui : la société, le mari. (Dans les films de Kim Ki-Duk, il y a toujours un moment où les personnages sont poussés à bout, au crime, ou se croient obligés de se sacrifier). Mais en prison, le garçon se lance dans un étrange entraînement, indifférent aux coups que cela lui vaut, et le film se termine par un surprenant happy-end : le garçon est devenu une sorte de locataire permanent de la maison de sa bien-aimée. A vous de voir de quelle façon…
Une histoire d’amour presque muette et un apaisement surprenant dans la filmographie tourmentée du réalisateur…