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248° Injures et politique

Publié le 18 avril 2009 par Jacques De Brethmas
 

« L'injure est l'argument de ceux qui n'ont rien à dire ». (Boileau).

Un incident survenu hier soir au restaurant, où un droitiste dogmatique m'a traité des pires noms de détritus en faisant allusion à mes convictions de gauche me donne l'idée de réfléchir un peu sur l'injure politique.

248°  Injures et politique
Comme c'est justement le jour que notre président a choisi pour estimer que « monsieur Zapatero n'était pas très intelligent », puis pour rectifier la boulette avec une maladresse éléphantesque en affirmant qu'à travers cette phrase, il visait... les socialistes français, ce qui donne la juste dimension de la considération et du respect républicains qu'il professe à l'égard de ses adversaires politiques, l'occasion était toute trouvée d'approfondir le sujet.

Cette double gaffe en rafale n'est que notre ration quotidienne de la superbe productivité du président-imprécateur, dont le Canard Enchaîné entre autres nous apporte chaque semaine les bordées de compliments dont il gratifie son entourage, - pour ne pas parler de ses opposants-.

D'une manière générale, force est de constater que dans les démocraties, en tout cas, l'injure circule quasiment en sens unique de droite à gauche, et jamais en sens contraire. Mais paradoxalement, les épithètes dont Rolexboy abreuve ses féaux sujets, il ne supporte pas de les entendre en retour. Le pauvre pékin qui s'est fait agonir d'un « Casse-toi pauvre con » au salon de l'agriculture a eu la sagesse de mettre le compliment dans sa poche avec son mouchoir par dessus: l'autre quidam qui a brandi sur le passage du chef de tout un panneau avec la même inscription a été embarqué par la maréchaussée, gardé à vue, et condamné à 1000€ d'amende pour injure...

248°  Injures et politique
La préfet de la Manche qui n'a pas tenu les manchots assez loin du raoût présidentiel pour que leurs sifflets épargnent les augustes oreilles de l'auguste a payé de sa place la mauvaise insonorisation de la salle de réunion, et le mauvais plaisant qui avait joué avec des statues vaudou a aussi été traîné dans un prétoire. (Faut-il en déduire que l'Elysée croit au vaudou?)...

Ah, il est loin, le temps où les Lamartine, André Chénier, Victor Hugo et Emile Zola mettaient notre belle langue au service de la république. Terminé le temps des discours de Druon, de Malraux et de Mendes France...et même de de Gaulle ou de Mitterrand, qu'on n'a jamais entendu dire: « Ben qu'est ce que je dois faire, moi? Eh bien je vais vous le dire... »

Autre temps, autres mœurs. En Italie aussi, il y a cinq ans, le dangereux concurrent de notre apostropheur public qui sévit là-bas avait traité de « couillons » les gens qui s'apprêtaient à voter pour son adversaire Romano Prodi. Ce qui avait valu dans les cités transalpines de superbes manifestations en tee-shirt imprimé: « Je suis un couillon et je vote à gauche ».

Pour en revenir à la prestation de charretier que j'ai essuyée hier au restaurant, si je la déplore parce qu'elle rabaisse son auteur pour lequel j'essaie d'avoir par ailleurs quelque estime, elle n'est jamais que l'expression d'un croûteux obscurantisme et ne m'atteint pas autant que le discours politique officiel qui, par exemple, traite ouvertement les chômeurs de paresseux et d'assistés, et que j'ai subi en son temps.

Poussé vers la porte de mon entreprise juste avant la soixantaine, je m'y suis retrouvé, au chômage. Et là, après trente huit ans de travail, d'impôts et de cotisations, je me suis senti blessé, humilié par le discours du petit énergumène, qui était alors ministre de tout. (en fait, de l'économie, des finances et de l'industrie; l'époque où il avait promis de ne pas privatiser EDG-GDF, vous vous souvenez?) entre deux règnes place Beauvau.

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Ce crachat qui reniait une vie de labeur, de civisme et d'esprit républicain m'a fait plus mal que toutes les injures homophobes que j'ai enduré au long de ma vie. (Et en vieux militant, je peux vous dire que j'en ai plein la cour...)

Pourquoi les militants de droite ne savent-ils pas participer à un débat républicain sans en venir toujours à l'injure? Pourquoi l'injure participe-t-elle de tous leurs arguments?

Mettons nous à leur place: Comment voulez-vous qu'un citoyen lambda justifie sa sympathie pour une doctrine qui favorise l'enrichissement d'une caste qui n'est pour eux qu'un fantasme, à laquelle ils n'appartiennent pas et n'appartiendront jamais? On est là dans le domaine de la frustration brute, et le moindre débat argumenté les met le dos au mur.

Face à eux, l'homme de gauche déborde d'arguments: meilleure répartition des richesses, meilleure assiette de l'impôt, meilleure gestion des ressources et de la planète, libertés individuelles, libre expression, lutte contre la pauvreté...

A part la très étroite frange de nantis qui a un intérêt immédiat à voter pour l'injustice et est assez naïve pour croire qu'elle va durer, le droitiste de base a des arguments déconcertants.

La gauche, pour lui, ce sont les communistes et les staliniens... C'est oublier le nombre de dictatures de droite qui ont endeuillé l'histoire, -et l'endeuillent encore-, et surtout négliger que le néo-libéralisme, aujourd'hui et pendant que j'écris ces lignes, tue autant de monde dans le tiers et le quart monde que les pire dictatures en ont massacré au 20° siècle...

On a donc «éduqué» le droitiste dans cet étrange manichéisme suivant lequel, la gauche forcément communiste serait le parti des ouvriers bolchéviques, voyous et avinés.... La gauche, c'est sale et ça pue, tandis que la droite, ça sent le jasmin de Neuilly.

Il y a ceux qui estiment qu'une autre économie « ne peut pas fonctionner », -l'histoire en a fait la démonstration-, et que la seule valable, c'est celle qui... qui est en crise en ce moment? Il n'y a pire aveugle que celui qui ne veut pas voir...

J'en connais un qui vote à droite parce que « quand il sera riche, il ne voudra pas payer d'impôts ». Il oublie juste de dire qu'il vit depuis son adolescence dans une dépendance qui confine à la charité publique, et qu'on ne voit toujours pas le jour où cette situation va changer. Mais à tout hasard, il prépare le terrain...

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Il y a celui qui n'a jamais mis les pieds en banlieue, mais qui croit, comme l'autre l'a dit à la télé, que tous les chômeurs sont des paresseux qui gèrent avec malignité une perception optimisée de diverses allocations. C'est réduire les banlieues à quelque mauvais exemples montés en épingle par des activistes de mauvaise foi. On cherche du boulot en banlieue comme ailleurs, plus qu'ailleurs. Et si on a du mal à en trouver, c'est peut-être justement parce que ceux qui les accusent de paresse et d'assistanat opiniâtre sont les mêmes qui refusent de les embaucher lorsqu'ils se présentent dans leur entreprise.

Ce serait dommage d'oublier celui qui stigmatise la « gauche caviar » comme si les opinions de gauche imposaient au militant d'entrer chez les petits frères des pauvres. Pour ma part, je trouve un mérite supplémentaire aux militants de gauche aisés: celui de professer une opinion par pur civisme et pour la seule gloire de la solidarité républicaine au plus grand mépris des contingences matérielles qui pousseraient un goujat ordinaire à voter avec son porte-feuille...

Alors évidemment, quand le « gauchiste » met cela sur la table du débat avec son ami « droitiste », la réponse est en général une injure.

L'esprit républicain, c'est bon pour graver au fronton des monuments, mais pas pour présider un débat sincère et argumenté...

Petit gag pour terminer. C'est donc au restaurant que j'ai entendu la vanne du jour du président de tout à propos de « l'intelligence de Zapatero ». Rentré à la maison, j'écoute France Info à minuit et demie pour avoir les détails. Rien. A une heure, rien. Mais à une heure et quart, France Info retransmet les informations de radio Canada, et là: ils en parlent! Rebelote avec les informations de la radio belge retransmises une demie heure plus tard. Allo, le 22 à Asnières?

Pour être honnête, on m'a dit depuis qu'avant minuit, ils en avaient parlé... Peut-être se sont-ils fait engueuler?

Et pour finir, cette sentence de Pierre Desproges:

Etre de gauche, c'est se poser des questions dont on n'a pas les réponses, être de droite, c'est apporter des réponses à des questions qu'on ne se pose pas...

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