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La Russie, de Poutine à Medvedev

Publié le 21 avril 2009 par Infoguerre

Dans une étude réalisée au printemps 2008 pour la délégation aux affaires stratégiques du Ministère de la défense et publiée par la maison d’édition UNICOMM, Laurent Vinatier, Nina Bachkatov, Silvano Casini et Jean-Sylvestre Mongrenier dressent un focus de la Russie après l’élection de D. Medvedev à la présidence.

La Russie postsoviétique reste une « puissance mondiale sans être nécessairement conquérante ». Elle tient un discours de puissance et est un pôle de souveraineté dans un monde multipolaire mais elle « sait rester prudente et ne s’engage que lorsque la cause est acquise et sans danger ». Ainsi, la Russie de Poutine a choisi de se concentrer sur la promotion de ses intérêts nationaux économiques. 

La Russie dispose d’atouts indéniables pour restaurer sa puissance économique. La conquête de parts de marché à l’international lui assure des retours financiers substantiels ainsi qu’une présence affirmée à l’étranger. Toutefois, ce soft power ne va pas jusqu’à l’influence politique dans certaines régions du monde. Outre le levier énergétique, la Russie mène une politique d’exportation d’armement qui l’a conduit à se hisser au deuxième rang mondial. 

Pourtant, « la Russie ne réussit pas encore tout à fait à valoriser les avantages et atouts dont elle dispose. Ceux-ci, mis au service d’une volonté d’influence sur la scène internationale, permettent d’obtenir certains résultats très bénéfiques ; ils demeurent néanmoins encore insuffisants pour procurer une puissance réelle ». 

En termes de stratégie de politique internationale, la Russie cherche à contenir la « menace » occidentale : exemple du bouclier antimissiles américain, coopération étroite avec l’OTAN en Afghanistan afin de limiter l’impact sur les alliés centrasiatiques, prudence russe concernant le nucléaire iranien, etc. 

Avec l’Union européenne, la relation se focalise sur les questions énergétiques et reste ambiguë. Concernant la politique de sécurité et de défense, la coopération est limitée. « Pour Moscou, la PESD semble n’être qu’un pseudopode de l’OTAN, la seule et vraie grande alliance occidentale, en cours d’élargissement et de transformation ».  

De même, il existe une crispation russe quand une coopération est imaginée au sein de l’étranger proche. Comme le note les auteurs, « on cerne ainsi une opposition de fond entre Russes et Européens. Les premiers raisonnent en termes de « paix par l’équilibre » : équilibre des forces, rapports de puissance et zones d’influence, quand les seconds pensent leur avenir en termes de « paix par l’empire » : empire du droit, de la démocratie et du marché ». 

Concernant sa relation avec la Chine, la relation est inaboutie malgré une coopération militaire entre les deux pays. Des ambiguïtés demeurent au sujet de la problématique énergétique ainsi que sur la question de l’Asie centrale, où Russie et Chine se posent en rivaux pour le gaz et le pétrole. 

Pour les auteurs, la Russie reste une puissance inachevée du fait d’un défaut d’organisation. Elle dispose d’atouts mais il lui manque une capacité de finalisation. Or, « il semble difficile en Russie de parvenir à une coordination effective des intérêts en présence, limitant en conséquence la possibilité de mise en œuvre des projets et réformes ». Ainsi, les réformes relatives à l’armée, les doctrines militaires et sécuritaires, les capacités industrielles, etc. sont à l’arrêt. 

Pour finir, les auteurs se livrent à des scénarios prospectifs suite à l’avènement de Dimitri Medvedev à la présidence. Quid des relations entre le clan dit « libéral » et les Silovikis ? Quid des relations entre Poutine et Medvedev et de l’évolution de la politique étrangère et économique ? En effet, un des regrets du livre et d’avoir été écrit alors que la Russie n’était pas complètement rentrée dans la crise. Or, depuis l’automne 2008, les aléas économiques semblent remettre en cause le consensus politique de ces dernières années, marqué par un enrichissement de la classe moyenne et des oligarques, couplé à une reprise en main de l’Etat par les « structures de force ». La crise pourrait ainsi jouer le rôle de détonateur de fragilités sociales, politiques et économiques menaçant, peut être, la cohésion interne russe.  

Marie Mendras, dans un article récent, a bien soulevé les problèmes actuels de la Russie : « le président russe seconde avec loyauté son premier ministre et ne sort pas des bornes fixées à son rôle. L’ordonnancement tient, mais pour combien de temps ? La crise frappe durement l’économie et la société russes. Et les temps troublés mettent toujours à l’épreuve les systèmes de pouvoir byzantins qui échappent à la sanction de la société qu’ils gouvernent ». 

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