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Aveu de franchise : il y a trois ans "OSS 117, Le Caire nid d’espions" m’avait fait rire mais tout juste.
Aujourd’hui j’ai vu le nouvel épisode des aventures cinématographiques du meilleur espion français, j’ai nommé Hubert Bonisseur de la Bath dans "OSS 117 : Rio ne répond plus" et là je peux dire que j’ai véritablement pris mon pied. Je trouve que le niveau a considérablement monté et que le personnage a pris ses marques.
Michel Hazanavicius met en scène pour la seconde fois l’être de papier imaginé par Jean Bruce. Autrefois Hubert Bonisseur de la Bath était un véritable agent secret, héros d’une saga on ne peut plus sérieuse L’homme était le rival des américains, russes ou chinois.
Dans le courant des années 2000, OSS 117 est devenu une figure de comédie "à la française" pour le bonheur des cinéphiles hexagonaux en mal de longs métrages respectueux.
Quelques mois avant mai 68, Hubert Bonisseur de la Bath (Jean Dujardin) part au Brésil à la recherche d’un microfilm compromettant pour l’Etat français. Sur place il fait équipe avec un lieutenant-colonel du MOSSAD israélien (Louise Monot) qui cherche à débusquer un criminel de guerre nazi.
Le premier élément qui frappe le spectateur est l’excellente reconstitution historique. On se croit vraiment dans cette France des années 60. Les costumes, les décors, les véhicules, les coupes de cheveux, les musiques nous plongent au cœur d’un univers sur le point de basculer. A ces éléments s’ajoute des images d’archives, le logo historique de la firme Gaumont.
J’adore quand un long métrage développe ce que j’appelle le "cachet d’authenticité" Cela prouve que les initiateurs du projet ont travaillé dans la globalité, ne négligeant aucun aspect de leur intrigue. A l’égard du spectateur il y a comme une marque d’attention et de considération.
Je ne vais pas m’étendre sur l’intrigue des plus basiques qui développe une histoire où nous rencontrons des chinois increvables, un américain arrogeant, des nazis d’opérette et des hippies chevelus. L’essentiel est ailleurs. La toile de fond pourrait être sérieuse mais la comédie déforme tout.
Les situations oscillent entre le franchement très drôle (la poursuite en déambulateurs, la cuisson du crocodile) et le politiquement incorrects. Michel Hazanavicius et Jean-François Halin ont pris des risques quant à l’écriture. Au cinéma on peut se permettre un nombre considérable de libertés et les auteurs se lâchent. Les mots d’Hubert Bonisseur de la Bath sont méchamment drôles et caustiques.
Le bonhomme est tout à la fois machiste, xénophobe et antisémite. Les blagues faites sur les juifs sont irrévérencieuses et je m’étonne qu’il n’y ait pas eu de polémiques à ce sujet. Car vous savez très bien que les chagrins sont légions. La raison semble toutefois l’avoir emporté.
Le comique n’est pas lourd ou graveleux. Il y a de la finesse dans le ton. La moindre situation est prêtre à rire, voire à sourire. Chaque détail compte, il y a le premier plan et l’arrière plan. Les péripéties du héros s’enchaînent à un rythme effréné. Le film ne comporte aucun temps mort et l’action rebondit en permanence. L’œuvre est transpercé par un vent de folie, une fougue de tous les instants.
Le spectateur en prend la tête et les oreilles avec des dialogues qui évoquent le maître Michel Audiard. "OSS 117 : Rio ne répond plus" comporte un certain nombre de phrases qui vont devenir certainement cultes.
Mais la pierre angulaire de l’œuvre est bien sûr le personnage d’Hubert Bonisseur de la Bath. Il incarne la vieille France ringarde et rigide du Général de Gaulle qui n’a pas compris les profondes mutations et les changements de son époque. Fer de lance d’un pays d’un autre temps et d’une société d’après-guerre, OSS 117 idéalise des valeurs surannées.
L’homme est un séducteur de tous les instants, un machiste pur et dur, un espion consciencieux, patriote mais maladroit dans ses paroles et ses actes. Son discours est passéiste, ringard, décalé.
Dans le costume de l’espion Jean Dujardin est énorme. Sa prestation l’installe au sommet de la comédie hexagonale. Il donne le meilleur de lui-même dans ce second opus. Louise Monot tire son épingle du jeu et profite du fait que les auteurs du film ont eu l’intelligence de ne pas tout miser sur la figure du héros. Les personnages de second plan bénéficient également de leur moment de gloire.
J’ai beaucoup ri. Et le cinéphile que je suis a pris un énorme plaisir. Ma seule réserve concerne OSS 17 en lui-même. En deux films le metteur en scène/auteur et son comparse d’écriture n’ont-ils pas atteints les limites du personnage. Si l’aventure se poursuit, et il en est question, quelle sera la capacité à renouveler les situations, les intrigues et les personnages.
Mais que cela ne gâche pas votre plaisir, "OSS 117 : Rio ne répond plus" est un très bon film qui met à distance bien des pantalonnades franchouillardes.