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Césarienne obligatoire ?

Publié le 28 mars 2009 par Naissancenaturelle
Césarienne obligatoire ? Non. C'est encore non. Le professeur que nous avons rencontrés lundi matin au CHU de Grenoble n'est pas d'accord pour tenter l'AVA2C. Ça, c'est le résultat, forcément tranché. C'est oui ou c'est non; en l'occurrence, c'est non. Car l'avis de l'éminent professeur est en réalité plus nuancé... Il estime que la prise en charge d'un accouchement par voie basse après deux césariennes relève, pour l'obstétricien, de la démarche individuelle. Démarche qu'il serait prêt à avoir à titre personnel mais pour laquelle il ne veut pas engager la responsabilité de son équipe. Et comme il n'est présent au CHU qu'un ou deux jours par semaine...

L'entretien s'est en fait déroulé en deux phases. Après avoir été accueillis par une sage-femme débutante, nous sommes rejoints par le Pr S. qui, malgré son refus immédiat d'accéder à notre demande, se montre très compréhensif. Hormis le couplet habituel sur les risques de rupture utérine et ses fâcheuses conséquences, il reconnaît que notre démarche est tout à fait raisonnable, que nous ne sommes pas des inconscients. « Et je ne porterais aucun jugement sur des confrères qui accepteraient votre demande », ajoute-t-il. Encore heureux puisqu'à sa manière, il affirme faire partie du lot.

Malgré la franchise du contact, la suite est moins reluisante. D'abord parce qu'il n'a pas assisté au début de l'entretien et n'a donc pas entendu Gabrielle expliquer qu'elle a déjà accouché une fois par voie basse. On pourrait se dire que c'est un argument de plus en faveur de l'AVA2C; pour lui c'est surtout une bonne raison de ne pas le tenter. « Ah mais vous ne me dîtes pas tout, vous savez déjà ce que sait de mettre un enfant au monde par les voies naturelles... Alors pourquoi prendre des risques ? » Ce genre de réflexion a le don de me mettre hors de moi. Comment quelqu'un qui ne la connaît que depuis dix minutes peut présumer de la façon dont Gabrielle a vécu ses différents accouchements ? Une autre réflexion, apparemment anodine, aurait dû me mettre la puce à l'oreille : « Certes je ne suis pas une femme, mais je m'y connais en matière d'accouchement. » Techniquement et médicalement c'est certain, humainement et émotionnellement c'est impossible. En tant qu'homme, il pourra assister aux nombre de naissances qu'il voudra, il ne saura jamais ce que c'est que de sentir une autre vie que la sienne traverser son corps.

La suite de son discours confirme que nous n'aurions, de toute façon, pas eu envie de faire équipe avec lui. Car tout en affirmant que notre démarche est raisonnable, il nous pousse à accepter le principe de la césarienne, opération qui pourrait donc avoir lieu plus près de chez nous, à Gap par exemple, avec le Dr D., son ancienne étudiante qui nous avait justement adressé à lui. Nous évoquons alors notre expérience précédente, lors de la naissance des jumeaux, qui nous a laissé un souvenir si désagréable. Impossible notamment d'obtenir la présence du père au bloc. Du moins à l'époque.

- « Mais ils peuvent bien faire un effort à Gap. Moi, j'accepte les pères depuis une dizaine d'années. Notez bien que, pour moi, c'est une bêtise. Personnellement, j'ai eu cinq enfants et je n'ai jamais été présent au moment de l'accouchement. Depuis des millénaires, l'accouchement est une affaire de femmes, il n'y a pas de raison que ça change ! »

Mais qu'est-ce que vous faites là, ai-je envie de lui demander. Le métier d'obstétricien devrait être réservé aux seules femmes. Plus sérieusement, je pense que si les hommes sont restés si longtemps en retrait de l'enfantement, c'est par crainte du pouvoir qui s'exprime à ce moment précis, un pouvoir exclusivement féminin. Et si aujourd'hui, certains font un pas vers la naissance en acceptant de la voir pour ce qu'elle est, comme la manifestation magique de la vie, et non pas comme une remise en cause de leur pouvoir masculin, c'est loin d'être une régression.

Nous quittons le CHU de Grenoble, tiraillés par des sentiments contradictoires. Nous venons d'essuyer un nouveau refus, ce qui n'est pas sans conséquence, sur le moral de Gabrielle notamment; d'un autre côté, il nous a clairement été dit que notre démarche est raisonnable, que nous ne sommes pas des trompe-la-mort qui méritons d'être enfermés. L'espoir est permis.

Direction Pertuis. Plus de trois heures de route pour être à l'heure au rendez-vous fixé il y a près de deux mois avec une sage-femme de l'hôpital. En arrivant, nous découvrons une structure conforme aux échos que nous en avions eu. Le bâtiment est ancien, les couloirs usés, et même si l'ensemble nous paraît très propre, il s'en dégage une image vieillotte, comme si la structure dans son intégralité faisait figure d'anachronisme dans ce siècle. Comparé aux locaux flambant neufs du CHU de Grenoble, le contraste est saisissant. Laurence nous accueille dans un bureau minuscule, où elle a bien du mal à installer une troisième chaise pour que nous puissions tous nous asseoir. Comme nous en avons maintenant l'habitude, la professionnelle de santé qu'elle est nous pose les questions usuelles pour constituer le dossier. Soucieuse de lui éviter de perdre son temps, Gabrielle l'interrompt rapidement pour lui exposer notre démarche. Elle nous écoute, attentive, note scrupuleusement tous les antécédents de grossesse, et nous indique qu'elle doit en référer à sa hiérarchie. « Je ne fais des consultations que depuis un an et demi, je n'ai pas encore tout vu... »

Pendant son absence, nous nous demandons si c'est un médecin ou une autre sage-femme qu'elle est allée voir. Nous ne le saurons pas, mais la réponse ne se fait pas attendre. Encore une fois, elle est négative. Possible rupture utérine, trop risqué pour la mère et l'enfant... Aux arguments habituels viennent cette fois s'ajouter les caractéristiques de cette structure. C'est une maternité de niveau 1 qui ne dispose ni des moyens d'intervention nécessaires en cas de grosse hémorragie ni d'un service de néonat. Laurence nous fait aussi clairement comprendre que les moyens humains dont dispose l'hôpital ne lui permettent pas d'accueillir un accouchement qui requiert une surveillance rapprochée. « Il n'y a parfois qu'une seule sage-femme pour cinq accouchements ! »

La déception n'est pas la même que pour Grenoble; nous nous faisions peu d'illusions sur les capacités de la maternité de Pertuis. Reste qu'il faut tout de même encaisser ce second refus de la journée. Maigre réconfort, un regard bienveillant est une nouvelle fois posé sur notre demande. La sage-femme semble presque s'excuser d'être l'oiseau de mauvais augure qui vient nous annoncer la mauvaise nouvelle; et elle conclut l'entretien sur une réflexion qui en dit long sur ce qu'elle pense des conditions dans lesquelles elle exerce son métier. « Il va bien falloir qu'on remette en cause notre façon de travailler. À force de faire des césariennes, on aura de plus en plus de femmes avec des utérus cicatriciels qui auront la même demande que vous... »

Cette nouvelle rencontre confirme l'impression laissée par les précédentes. Chaque professionnel de santé, à sa façon, nous fait comprendre que nous sommes dans le vrai en demandant un AVA2C. Ils  sont aussi convaincus que nous, ils ne sont juste pas en mesure de nous dire oui. Le système obstétrical, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, ne le permet pas. C'est à la fois encourageant et frustrant. Mais nous ne renonçons toujours pas. Deux jours plus tard, nous avons rendez-vous avec un obstétricien de la clinique de Vitrolles avec qui le premier échange téléphonique s'est avéré plutôt prometteur. Et puisque nous sommes sur Marseille, autant en profiter. Gabrielle décide de prendre contact avec la maternité de l'hôpital Nord. Nous nous apprêtons à abattre nos dernières cartes.

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