Magazine Conso

Le grand incendie

Publié le 11 septembre 2007 par Stéphane Kahn
Le grand incendieIl y a six ans jour pour jour, je me rendais, au sortir du travail, dans un magasin dit "de produits culturels" pour acquérir le nouvel album d’un groupe français depuis tristement silencieux.
Une poignée d’heures plus tôt – de la bouche d’un collègue puis de celles, proliférantes et affolées, d’Internet, de la radio, de la télé – j’apprenais qu’à New York deux avions venaient de… Enfin, vous connaissez l’histoire…
Ce soir-là, on avait plutôt envie de vite rentrer chez soi, de ne pas braver trop longtemps la gueule fumante de transports en commun soudain redevenus menaçants, encore moins de s’attarder dans un lieu public pourvoyeur de déflagrations soniques et de musiques amplifiées.
Oui mais voilà, Des visages des figures arrivait juste dans les bacs tandis que Manhattan se réveillait défigurée. La planète pouvait s’arrêter de tourner, les plus noirs desseins se réaliser, l’album tant désiré était à portée de main. Je me souviens de ce soir-là, des dix minutes de marche, cotonneuses, étrangement irréelles, jusqu’à la gare Saint-Lazare, de l'entrée craintive dans le magasin, du passage express en caisse, de la découverte, un peu plus tard, dans les journaux télévisés, d’images d’effondrement diffusées en boucle, de l’horreur de ces corps tombant, bravant la pesanteur. Je me souviens avoir pleuré. Je me souviens moins bien, forcément, de la découverte du disque. Mais je sais l’avoir écouté le soir-même.
On se rappelle bien entendu que l’album avait été en partie enregistré à New York par Nick Sansano et surtout que le deuxième morceau portait un titre prémonitoire. S’y déployait un champ sémantique où s'entrechoquaient des mots aussi opportuns en cette funeste soirée que "feu", "incendie", "sirènes", "pompier" ou "explosion". Pour moi, d’emblée – et indépendamment de ce qui se passait en Amérique – ces accords basiques et heurtés, ce chant presque parlé, haranguant l'auditeur, rappelaient furieusement ceux du Paris New York, New York Paris d’Higelin. En deux chansons, un raccourci textuel autant que spatial.
Yves Simon rêvait New York. Soudain, on le cauchemardait. On a ensuite beaucoup glosé sur ce titre – pas le meilleur du groupe d’ailleurs – sur ces paroles qu’une paresse lexicale m’inciterait à qualifier d’ "incendiaires".
C’était il y a six ans. C'était un mardi.
Soyons désinvoltes, n’ayons l’air de rien.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Stéphane Kahn 209 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines