Depuis la sortie de Back To Black d’Amy Winehouse, il y a trois ans, nombreux sont les artistes rap/soul à tenter un retour au son Motown et même au doo-wop des années 1950. Et pas mal d’entre eux s’y sont cassés les dents, les derniers en date étant les Platinum Pied Pipers avec le médiocre Abundance, qui tombe trop souvent dans la mièvrerie et la superficialité. Avec The Lonely Ones, on tient quelque chose de bien plus intéressant. L’album est court (une demi-heure), super-concentré et très maîtrisé. Produit par un jeune beatmaker surdoué du nom de Bionik, qui fait également plusieurs apparitions au chant, il ne contient aucun featuring commercial destiné à appâter le chaland. Les seuls invités sont les vocalistes inconnus Treasure Davies, Storm Daniels et Candis Ferris. Pour le reste, Eddie “Aceyalone” Hayes est seul à bord, endossant les costumes de showman, MC (au sens premier du terme) et crooner avec virtuosité.
Habitué à rapper sur à peu près tous les supports imaginables (l’un de ses premiers albums s’intitulait d’ailleurs Accepted Eclectic), le vétéran de l’underground californien s’offre ici un terrain de jeu idéal, calant son flow sur le R&B candide façon Supremes de “Step Up” comme sur le funk-rock de “Power To The People”, sorte de rencontre entre Sly Stone et Public Enemy. L’album est soumis à un rythme infernal qui voit se succéder plages funky irrésistibles (“Can’t Hold Back”, “On the One”), détours par le delta du Mississippi (la bluesy “2 The Top (Remix)”), ou par la Nouvelle Orléans et ses brass bands (“Push N’ Pull”). Dans cette débauche de cuivres, d’orgue et de choeurs, on s’amuse aussi à retrouver les traces des Four Tops, des Delfonics, des JB’s, etc...
Malgré toutes ces nobles références historiques, c’est avant tout aux 90’s que me ramène The Lonely Ones. Dans sa manière de sortir des clichés hip-hop et de se poser en véritable entertainer, Acey évoque les Native Tongues, ou d’excellents groupes oubliés comme les Dream Warriors. Plus près de nous, seul OutKast était parvenu, avec Idlewild, à accoucher d’un concept-album réussi tout entier dédié à une époque musicale révolue - en l’occurrence, le son des cabarets des années 1930/40. Avec un budget que l’on devine bien inférieur, et cette fougue qui le caractérise depuis ses débuts au sein de Freestyle Fellow Ship, Aceyalone nous pond un disque cohérent et vitaminé. Bien sûr, il ne s’agit pas d’un classique du niveau de All Balls Don’t Bounce, mais The Lonely Ones reste l’une des belles surprises hip-hop de ces derniers mois.
En bref : le nouvel album d’Aceyalone se distingue nettement de la masse des hybrides hip-hop/swing, qui fleurissent depuis les cartons d’Amy Winehouse et Mark Ronson. Artisanal et inspiré, c’est un beau petit concentré d’énergie, frais et estival.
Aceyalone - Can’t Hold Back (feat. Treasure Davies).mp3
Son Myspace
Le site de son label, Decon Records
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