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L'année de la pensée magique de Joan Didion

Par Sylvie
ETATS-UNIS
L'année de la pensée magique
Grasset, 2007
Joan Didion est une écrivain, journaliste et chroniqueuse très connue dans son pays mais inconnue en France jusqu'à la traduction en 2007 de L'année de la pensée magique, National Book Award, journal de deuil de la chroniqueuse après la mort de son mari, John Gregorry Dune, avec qui elle formait un couple d'intellectuels phare de la vie culturelle américaine.
Connue en tant que chroniqueuse du malaise américain, de la défaite du rêve (son recueil de chroniques L'Amérique, vient d'être traduit en France), elle livre ici un document à part, relatant l'année qui a suivi le décès de son mari, l'année de la pensée magique, c'est à dire cette incapacité de penser rationnellement devant le chagrin : la certitude qu'il va revenir, le déficit cognitif  défini comme les pertes de mémoire, les erreurs, les absences...
Le plus intéressant dans cette chronique est sans aucun doute cette reconnaissance paradoxale que tout est devenu anormal, y compris la pensée, et dans un même temps, cette précision clinique, froide et distante, de décrire en détail la mort du mari, les termes médicaux, psychanalytiques, sociologiques pour désigner la mort et le deuil. Pour résumer, on peut dire que la femme rationnelle qui se définit elle-même comme celle qui ne se trompe jamais, tente de dire ce qui justement n'est pas rationnel, de manière rationnelle !
Donc, point de pathos : il s'agit de convoquer ses connaissances psychanalytiques, sociologiques, littéraires (Freud et Philippe Ariès entre autre) pour s'ausculter soit même, essayer de comprendre son "dérèglement de la pensée" comme le fait d'être persuadée que son mari va revenir, donc qu'il faut garder ses vêtements.
La démarche est très intéressante (l'intellectuelle devenue irrationnelle tente de s'analyser rationnellement) mais pour moi trop aseptisée et surtout intellectualisée et insérée dans un milieu sociologique précis, celui de la bourgeoisie intellectuelle new-yorkaise.
Pour moi (ce n'est qu'un point de vue), Joan Didion n'atteint pas l'universalité de la condition humaine face au deuil ; regorgeant de références, le texte fait aussi allusion à ce milieu journalistique et littéraire qui entoure la veuve. Toutes ces précisions donnent bien sûr un caractère hyperréaliste au récit mais le texte aurait gagné en simplicité s'il parlait des sentiments sans recours à tous ces textes. Mais Joan Didion a choisi délibérément cette voie, n'en déplaise à certains lecteurs.
Ce texte est devenu outre-atlantique un classique de la littérature de deuil. J'ai préféré quant à moi le magnifique texte de Brigitte Giraud, A présent, qui propose à la fois une description très sobre et pudique de l'état de deuil et une réflexion sur la manière de dire le deuil.

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