Magazine Culture
La ville, c’est le ciel en prison,
chaque morceau de ciel jeté,
heurté à un autre morceau.
Chaque morceau de ciel captif
planté, fiché abruptement
tel une lame, un couperet
dans un autre éclat
de miroir.
La ville : une marqueterie
de fragments raides et guindés,
un déluge d’instants laqués
sur papier glacé
qui larmoient.
Une cohue de collisions,
de parois entre-éperonnées,
de surprises interposées
ou intercalée
de guingois.
Un égaiement de tranchants,
de brisures et de symétries
venant écraser leur fadeur
leurs coloris exténués
sur les surfaces bien lissées
aux airs non concernés, absents.
La ville, c’est un conglomérat
compact où s’imprime un vortex,
une dégringolade de
nébulosités encagées,
d’inconsistantes matités
que, seul, le mouvement
polit
Et les nuages bourgeonnants
comme une menace dressée
un flux montant derrière les
barreaux
agite
mille poingsvers les tours,
ces lavis lointains
retournés têtes à l’envers
Finalement, c’est le chaos
c’est l’effondrement, l’implosion
toute cette géométrie
heurtée, acérée aboutit
à un carambolage encore
plus dénué d’âme
s’il en est.
La ville : ça vit,
ça pousse au train,
ça hache,
ça concasse et brise
ça taille abruptement dans le
vif des masses agglomérées
ça condamne chaque tronçon,
chaque angle de vision ainsi
obtenu à s’arracher à la
proximité,
à l’exil.
Patricia Laranco.
Auteur de plusieurs recueils et de nombreuses publications en revue (Phréatique, Jointure, notamment), elle prépare actuellement son septième recueil.