Films croisés
The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford , d'Andrew Dominik (2007). DVD Z1 (Warner).
J'ai toujours rêvé d'être un gangster , de Samuel Benchetrit (2008). DVD Z2 (Wild Side).
Trois films croisés qui relèvent chacun d'une inscription où le rapport entre signifiant et signifié joue d'une ambiguïté représentative : celle d'une fatigue d'être vivant.
L'œuvre surprenante d'Andrew Dominik révèle avec une certaine délectation spectatorielle la qualité d'une mise en scène posée, distanciée et réfléchie. Elle introduit un auteur cinématographique jusque là (quasi) inconnu, et dont il faudra suivre le parcours tant ces prémisses sont exceptionnels. The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford est un très grand western contemplatif, avec un traitement alliant l'impressionnisme au baroque, dans une optique post-moderne à la Impitoyable. Il y a ce regard porté vers le passé, mais sans l'embrasser avec classicisme comme chez Kevin Costner.D'une lenteur hypnotique, presqu'en flottement, The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford semble aller et venir sur l'icône fusionnelle Brad Pitt/Jesse James, l'un et l'autre se voulant figures dilettantes, aux signifiants massifs mais fascinants de fragilité, de psychose et du charisme du guide. Cette icône tend à se rejeter, a renoncé à se sauver la face, malgré la légende qui imprime au contraire les exploits terrifiants d'une star moderne.
Le statut appelle la mort, souhaitée, apaisante. La mise en scène semble éteindre les ardeurs. Elle inscrit discrètement dans le cadre l'humanité d'un mythe vivant, celle d'une ordure triste, pauvre et fantomatique. Effrayante par sa transparence maladive.
Si J'ai toujours rêvé d'être un gangster, alors je sais qu'un lieu abrite la trace du genre, l'empreinte d'un patrimoine hérité de Melville ou de Lautner.
Sur toile de film choral, de films à sketches, Benchetrit dresse le portrait de vieilles gueules habitées qui vien nent croiser leur mal de vivre, leurs anecdotes et leurs errances d'hommes déchus auto ur des tables d'un banal restaurant d'autoroute, autrefois repère d'une bande de gentils gangsters pour leurs longues nuits de poker.
Le routier est indice du temps qui passe, il est aussi l'ancrage géographique qui marque les personnages qui s'y retrouvent : braqueur minable, kidnappeurs du dimanche au cœur tendre, musiciens rivaux et un peu louches, gang de vieillards sur le retour.
L'empreinte, c'est aussi celle qui les lie : tétanisante, Anna Mouglalis, beauté glamour héritée d'une période qui aurait fait l'union entre le muet et la femme fatale à la Ava Gardner. Son rayonnement est tel qu'elle achève de poser le film comme parabole indicielle et mélancolique, jusque dans les arguments plastiques, qui chante aujourd'hui l'excellence d'un certain cinéma français - francophone, francophile - et qui n'oublie pas d'intellectualiser la grandeur que le genre a pu connaître il y a plusieurs décennies.
Enfin, l'imaginaire symbolique, finement arbitraire et poétique, du très beau titre français La Rose et la Flèche le dispute au sentiment, intimiste et signifiant, du mot original à l'interprétant inversé ( Robin and Marian).Une œuvre inédite et inattendue, calme et bercée par la douceur d'un point de vue plein de tendresse et d'humilité envers le mythe de Robin des Bois. C'est aussi un regard lucide et amer sur l'âge et le passage du temps, sur toile d'aventures pas si glorieuses où les icônes achèvent leur recherche de la paix dans la déchéance de simples être humains frappés d'angoisse face à la vieillesse et la mort.
Dépassant la condition textuelle, Sean Connery et Audrey Hepburn-sans compter l'armée d'excellents seconds rôles tels que Robert Shaw ou Richard Harris-deviennent par là même des emblèmes aussi drôles qu'émouvants. Richard Lester, très loin des enchaînements maladroits de ses deux Superman, capte des errances et des murmures ; sa caméra resserre l'intelligence d'une cinématographie humble et amoureuse, un peu comme si l'esprit entraînant des Trois Mousquetaires cherchait à composer une ode aux héros fatigués.
L'encodage navigue du très bruité au plutôt correct. Cet aspect abîmé n'empêche pourtant pas de trouver en la copie le charme d'une pellicule granuleuse couplée à un son stéréo clair, respectueux de leur contexte de production. Aucun bonus.
The Assassination of Jesse James by the coward Robert Ford ****
Copie parfaite en Z1, bien définie, avec un relief et une colorimétrie saisissants. L'enveloppe musicale signée Nick Cave participe au charme contemplatif. Aucun bonus.
J'ai toujours rêvé d'être un gangster ****
Master noir et blanc granuleux de toute beauté, accompagné d'un mixage stéréo. Le tout plastique participe à recréer l'empreinte d'un genre disparu. Interviews, scènes coupées et documentaires alimentent un programme additionnel très complet.