Avec son précédent livre, « Le Nouvel Hollywood : Coppola, Lucas, Scorsese, Spielberg… La révolution d'une génération », Peter Biskind balançait la petite histoire de ceux qui allaient devenir les maîtres d'œuvre d'un cinéma des années 70 en pleine mutation pour en devenir les touts puissants cadors. Avec ce nouveau livre, l'auteur s'attaque cette fois aux balbutiements et à la naissance chaotique du cinéma dit Indépendant de la fin des années 80. En 811 pages (811 !!), Biskind oscille entre les symboles de ce cinéma alors en devenir, le Sundance Festival fondé par l'acteur Robert Redford et la société de distribution fondée par les frères Weinstein devenue un monstre de la production américaine, Miramax.
Défilent alors les noms de ceux qui trustent parfois le box-office (Quentin Tarantino, Steven Soderbergh, Matt Damon, etc.) et de ceux qui vivent dans les coulisses du 7ème Art, arrière boutique souvent glauque où règnent mauvaise foi, ambition, démesure, coups bas, cabales et destructions. Souvent peu reluisants, ces portraits brutaux, nous emmènent à la découverte d'un Redford indécis et antipathique, à des années lumières de l'image qu'il véhicule, d'un Tarantino aux pétages de plombs surdimensionnés ou d'un Soderbergh à la ramasse. Mais ce livre est surtout l'histoire d'un fratrie à la conquête d'Hollywood : Bob et Harvey Weinstein. Avec une soif de revanche sans fin, les deux lascars vont s'affranchir des us et coutumes, des gentlemen agreement qui siéent à tous ces messieurs en costumes (très) bien coupés. Ils vont exploser la bienséance par leurs vociférations et par les traitements de choc dont ils affubleront leurs propres employés, leurs relations de travail, leurs concurrents et même les acteurs, actrices et réalisateurs qui auront le malheur de croiser leur route. Ils seront
impitoyables, sans conscience, à même de détruire ou de pratiquer la politique de la terre brûlée pour que rien ne résiste à leur ambition de fous furieux de cinéma : devenir riche et incontournable dans le microcosme hollywoodien.
Pari réussi si l'on en croit Biskind qui décrit à force de détails l'ascension des deux frères. Et c'est peut-être, parfois, la faiblesse du livre qui au final ne tourne plus qu'en boucle : les frères Weinstein (souvent Harvey) qui hurlent, insultent, foudroient, arnaquent et s'excusent à coups de millions de dollars… De leur société de distribution à leur alliance contre nature avec la compagnie Disney, nous suivrons tout de même un pan entier du rêve américain où se côtoieront des films dont personne ne veux mais qu'ils porteront souvent à bout de bras : « Pulp Fiction », « Sex, Mensonges & Vidéo », « Cinema Paradiso », « Le Patient anglais », « Shakespeare in love », « Gang of New York », « Will Hunting », « Scream », « Matrix », etc. Une petite partie de CV qui peut quand même laisser rêveur…
DesMurmures