Demain, vendredi 14 septembre, Arte diffuse à 20h40 le film
intitulé Monsieur Max, film dans
lequel Dan Franck présente la figure du poète Max Jacob.
A l’occasion de cette diffusion, François Rannou m’adresse ce texte, qu’il
dédie à Christine Andreucci, auteur d’un Max
Jacob chez Champ Vallon.
Confluence des rives
(sur Max Jacob)à la mémoire de Christine Andreucci
le nom se mêle aux « ponts de fer » à la confluence de soi-même
comme deux rivières se rejoignentje suis né dans cette maison
d’angle
le cubisme est né sous mes yeuxdeux noms à angle droit ( mon portrait sous toutes les coutures :
Max Jacob par Max Jacob, 25 octobre 1938)
d’un côté Alexander (Alexandre avec un vers à pied !), le nom imposé arbitrairement
jeté sur le « papier », l’autorité prussienne se soucie de rebaptiser « ses juifs »
de l’autre Jacob : vrai nom qu’il faudra reconquérir, grimpé à l’échelle de soimais si… ? le père prénommera son fils Max et Jacob
Jacob au carré lame de fond du langage, réel à double fondinsaisissable, Max ? non pas double, contradictoire, paradoxal, insituable mais
« situé » toujours sur l’arête, le tranchant, le furtif aigu de ce qu’est l’hommesorte de vision matérialiste qui ramène au cœur du poème une objectivité nouvelle
(qu’on est loin des piteuses niaiseries pseudo modernes de certain(s) poète(s) à la dent molle !)
lapsus, jeux de mots, rêves, figures et dés pipés de l’inconscient, hasards du réel, petits faits résonnant étrangement juste, comptines, chansons
poursuite insatiable de ce qui est
avec l’ironie, l’humour de celui qui doute, discourt avec brio,
effervescence, pour mieux se tairecar le silence est l’élément important (parce qu’il est, croit-on, manquant) qu’on ne veut pas distinguer chez Jacob le beau parleur, le compagnon en verve de bons mots, l’épistolier si fécond
il est la marge nécessaire au poème pour
qu’il soit « situé » : distance, espace qui savent faire entendre le poème dans sa
réalité propre découverte (inventée)
silence qui trace ses limites et comme le rêve
semble une porte à ouvrir
ainsi beaucoup de poèmes du Cornet à dés portent pour seul titre :
Poème, sans titre comme si l’ironie du peintre qu’il était ramenait l’œil
du spectateur à ce qui littéralement est là.silence encore à l’œuvre dans les poèmes de Morven le gaëlique
parle ?
quelle voix ? la supercherie n’est-elle pas le plus sérieux moyen, le plus élégant
aussi, d’atteindre, par le truchement de cette anonyme voix populaire, à ce qui
authentiquement toujours se dérobe de soi à soi, et entraîne ?on comprendra alors que le silence, chez lui, est un rythme, une mesure, une retraite
une parole de l’écart
silence-parole
confluence des rives noires
le fleuve
la lumière des arbres fait vibrer plus vivement
le courant use le langage
(comment y croire ? y croire … ) jusqu’à la corde, corps élimé, noyé, dérivant jusqu’à la cale à l’embouchure du fleuvesans autre certitude que le courant lancé jusqu’à l’impersonnelle raison
©François Rannou