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Les trente ans des éditions Verdier (par Tristan Hordé)

Par Florence Trocmé

Verdier001 Pour qui a suivi presque depuis le début les publications des éditions Verdier, c’est un bonheur de constater une inventivité intacte, bien lisible dans le catalogue édité aujourd’hui. Fondées en 1979 à Lagrasse, dans l’Aude, par Colette Olive, Michèle Planel et Gérard Bobillier, tous trois soutenus par un collectif issu de la Gauche prolétarienne1, elles sont nées d’une volonté politique rappelée dans la préface du catalogue : « Si on ne pouvait pas changer le monde on pouvait du moins contribuer à changer les consciences ».

"Changer les consciences", cela suppose que l’on présente des livres dans des domaines variés. Relevons d’abord la présence de deux riches collections, "Islam spirituel", créée par le philosophe Christian Jambet, et "Tradition hébraïque", fondée par Charles Mopsik et dirigée maintenant par René Lévy. Il s’agit, en donnant à lire de grands textes de la tradition et leurs commentaires par des spécialistes reconnus, de restituer les bases de cultures que l’on ignore bien légèrement en France. Les éditions publient également les Cahiers d’études lévinassiennes, des ouvrages de philosophie (Merleau-Ponty, Benny Lévy, Jean-Claude Milner, Jan Patocka, etc.), de sciences humaines (Meschonnic, Jean-Pierre Richard, Carlo Ginsburg, etc.), d’art, d’architecture et d’urbanisme.

Pour la littérature était très vite née la collection "Terra d’altri", ouverte par Philippe Renard et Bernard Simeone (tous deux disparus) et continuée par Martin Rueff. Ont suivi des collections allemande et anglaise (avec Jean-Yves Masson), russe (avec Hélène Chatelain), espagnole. Parcourir la liste des livres publiés, c’est reconnaître quelques-uns des auteurs essentiels à la compréhension de ces littératures, de Chalamov et Daniil Harms à Yeats, Nelly Sachs et Rilke, de Mario Luzi et Eugenio De Signoribus à Miguel Delibes.

Et la littérature française ? Rappelons le pari qu’a été, en 1991, la publication du théâtre complet du grand Armand Gatti. Rappelons la présence de prosateurs comme, notamment, Pierre Bergounioux (qui introduit le catalogue par 4 pages sur "le livre"), François Bon, Didier Daeninckx, Michèle Desbordes, Jacques Réda, Pierre Silvain, Pierre Michon dont vient d’être publié Les Onze. Pour la poésie, outre les écrivains des collections étrangères, Verdier compte les collections Farrago et Deyrolle, et des œuvres (Benjamin Fondane, Hofmannsthal) sorties directement dans la collection de poche, dernière innovation qui reprend aussi des titres épuisés.

Quelle ligne se dégage de ce travail de 30 ans ? Certainement, ce qui est trop oublié, l’idée simple et forte que le livre doit aider à comprendre ce qu’est le monde, ce que nous y faisons. Relisons Pierre Michon, cité en 4ème de couverture, en souhaitant quelques décennies d’activité de plus aux éditions Verdier :

Ce qui importe, c’est qu’avec le monde on fasse des pays et des langues, avec le chaos du sens, avec les prés des champs de bataille, avec nos actes des légendes et cette forme sophistiquée de la légende qu’est l’histoire, avec les noms communs du nom propre. Que les choses de l’été, l’amour, la foi et l’ardeur, gèlent pour finir dans l’hiver impeccable des livres. Et que pourtant dans cette glace un peu de vie reste prise, fraîche, garante de notre existence et de notre liberté.

Contribution de Tristan Hordé

Verdier, trente ans d’édition, Catalogue général, 1979-2009



1 Sur la Gauche prolétarienne, formation maoïste, et les formations politiques gauchistes avant et après 1968, on lira avec profit Jean-Claude Milner, L’arrogance du présent, 1965-1975, Grasset, 2009.


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