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Quand Saïd el Meftahi rend un vibrant hommage à M'Hamed Ouldriri

Publié le 02 mai 2009 par Musique

M'Hamed Ouldriri, l'homme aux poupées.

Quand Saïd el Meftahi rend un vibrant hommage à M'Hamed Ouldriri

La ville de Meknès a ouvert la porte à beaucoup d'artistes représentant tous les arts comme la peinture, la musique, le théâtre, l'artisanat et la poésie.

Il en est qui sont très connus pour la qualité de leur travail et pour eux-mêmes. Il y a aussi beaucoup d'inconnus du grand public et toutefois connus d'un petit noyau d'initiés. En vous écrivant cela, je sais de quoi et surtout de qui je parle. Combien d'illustres inconnus s'en sont ainsi allés rejoindre la cohorte des "Inconnus de la Culture du Monde" ?

Aujourd'hui, je voudrais vous présenter un homme, inconnu du public et qui cependant a accompli sa vie durant un travail extraordinaire.

Il s'agit de Moulay M'Hamed El Ouldiri, appelé communément Moulay par les habitants de Meknès, sa ville natale.

Au temps où il était enfant, Moulay M'Hamed a reçu une éducation stricte basée sur le respect des principes moraux et religieux. Son père était "Alim", instruit dans les affaires de la religion. Il a fini ses études à Moulay Abdesslam Benmechiche, entouré des plus grands.

Sa mère était la fille d'un grand propriétaire terrien répandant ses grâces autour de lui. La maison de Moulay M'Hamed contenait de nombreux ouvrages sur la religion et d'autres domaines étaient largement représentés. C'est vous dire que chaque jour, Moulay M'Hamed lisait le Coran dans une maison imprégnée de ferveur religieuse. Chaque jour aussi, son père rassemblait les membres de sa famille, les voisins proches pour échanger et débattre de spiritualité, de la nation, de la vie quotidienne.

Le frère de Moulay M'Hamed, Sidi Mohamed a poursuivi ses études à l'université Al Quaraouiyine de Fès, obtenant à la fin le diplôme le plus important, partageant ainsi avec des commensaux tels que le Cadi Baaaj et le conseiller royal Bensouda, gloire et honneur.

Sidi Mohamed a passé quatre ans de sa vie en prison pour avoir osé tenir tête à l'occupant français. Il est mort à sa sortie de prison, victime des mauvais traitements subis en milieu carcéral.

Mais revenons à notre Moulay M'Hamed qui a donc grandi dans un univers de savoirs, connaissances, ferveur et piété. Il n'allait pas souvent à la mosquée Lala Chafia pour la simple et bonne raison que l'enseignant était son propre père. Il avait les conditions idéales pour apprendre le Coran. Il aimait aussi le sport, la nature et il avait une grande curiosité pour d'autres cultures, d'autres mondes. Tout cela a fait de lui un être à part, singulier et remarqué en particulier dans le domaine du sport français de l'époque. Il a été un boxeur connu et reconnu.

Et puis il a commencé à fabriquer des poupées à l'aide de fil de fer qui ont très vite attiré l'attention des habitants et en particulier la communauté française. Il réalisait des collages de laine et de papier. « Ce fabricant d'assemblages » avait l'art d'émerveiller les gens avec ses créations de bric et de broc. Ses créations lui ont valu les félicitations nombreuses du Roi Hassan II. Il a tenu des expositions au Maroc et à l'étranger.

Des photos le représentant en pleine créativité sont dans les bibliothèques du Maroc et à l'étranger. Des grands hôtels dans le monde ont présenté ses travaux originaux suscitant l'intérêt de leur clientèle.

Il était un nationaliste pur, intègre. Il a passé plusieurs séjours en prison de 1953 à 1955. Dans la prison L'Hader, dans la région de Casablanca, une des plus dures, il a purgé une peine de deux ans durant laquelle il n'a pas cessé de pourfendre l'occupant étranger.

Sa bonté était telle aux dires de ses co-détenus, qu'il était toujours prêt à accomplir les tâches dévolues aux prisonniers, à les décharger de leurs peines.

Il enjolivait les murs en les ornant des portraits du roi Mohammed V qu'il aimait profondément. Là encore, tout ce qui lui passait par les mains était récupéré et transformé en objet d'art.

Une petite anecdote à propos des portraits du roi est éloquente : les prisonniers jusque là résignés, voyant leur roi sur les murs de leur geôle et l'imaginant exilé à Madagascar, ont commencé à se révolter à leur tour contre l'occupation de leur pays et contre le départ forcé de leur roi, valant à Moulay M'Hamed, le fauteur de troubles, un surcroît de peine à chaque portrait et chaque remous.

Moulay M'Hamed avait beaucoup de considération pour ses semblables. Il était le même avec tous, mais à la compagnie des nantis, il préférait et de loin celle des pauvres. Son travail lui a rapporté beaucoup d'argent mais il faisait don d'une grande partie aux indigents, nécessiteux et autres laissés sur le carreau.

Il aimait sa mère d'un amour absolu, entier. Chaque jour, il embrassait le dessus et la paume de la main de sa mère ainsi que ses pieds. Il avait quatre frères et trois sœurs. Sa vie durant, sa mère n'a cessé de réclamer des grâces divines pour tous ses enfants avec un petit plus pour Moulay M'Hamed. Cet amour filial était tel qu'il ne s'est jamais marié tant il craignait de déplaire à sa mère, tant il redoutait que les deux femmes ne puissent s'entendre et cohabiter. A la mort de son père, puis de son frère aîné Sidi Mohamed, c'est lui qui tout naturellement s'est chargé de toute la famille. Ainsi donc, Meknès nous a donné un artiste singulier, un homme exceptionnel par son caractère, sa force morale et sa grande piété.

Quand Saïd el Meftahi rend un vibrant hommage à M'Hamed Ouldriri

Quelques mots encore sur ses poupées à partir desquelles il a représenté :

  • les régions du Maroc et leurs costumes traditionnels, alliant souci du détail et respect scrupuleux de la tenue vestimentaire (Moyen-Atlas, Rif, Berbères du Sud, etc ...)
  • les styles de musiques (Gnaoua, Melhoun, Tatouka El Jabalyia, Aita, Aissaoua, musique andalouse, etc ...)
  • Les artistes comme Moha L'Hussein Achibane avec "Ahidouss", Mohamed Rouicha de l'Atlas, Raïssa Demsiryia d'Agadir, (sud du Maroc), Houcine Toulali et le Malhoun de Meknès, Mohamed Lgorfté de Toktouka El Jabalyia (Tanger).
  • Les instruments de musique aussi : accordéon, violon, bendir, tarija, Rebab de Souss, Guembri et souissen, oud, Rebab andalou.
  • Les métiers ne sont pas oubliés ainsi que les costumes de mariage.
  • La tradition soufie (Tariqa Tijanya, el Kadirya, El Alamia, etc ...)
  • L'ancien sportif n'a pas oublié le sport (tennis, boxe, football, etc) avec là aussi authenticité et fidélité.

Quelque que soient les thèmes abordés dans son art, il était aisé de reconnaître sa signature, celle de l'artiste tout entier dévoué à son art.

Il nous a quittés, mais il demeure vivant pour nous, vit parmi nous. Nous n'oublierons pas sa bonté légendaire, sa grande foi, sa force de combattant et sa sensibilité.

Saïd El Meftahi (trad FBEM) http://www.yabiladi.com/article-artiste-7.html


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