Magazine Culture

Harlem; Eddy L. Harris

Par Sylvielectures
Harlem; Eddy L. HarrisJ'ai beaucoup aimé Jupiter et moi, où l'auteur continue sa quête identitaire en travaillant la figure de son père terrible, effrayant et conteur hors pair ayant trimé toute sa vie pour le déshériter. Le déshériter ? Et son fils devrait lui en être redevable ?
Sans doute, puisqu'il s'agissait de lui éviter ainsi les souffrances endurées à cause de sa condition de "noiraméricain".
Dans sa petite enfance, Eddy L. Harris vivait à Harlem avec sa famille. Ses parents ont fuit le ghetto pour Saint Louis, pour une vie meilleure, pour leurs enfants, pour leur éducation,tentant d'échapper à la condition dévolue aux gens qui habitent ce quartier mythique.
Ils ont mis le petit Eddy dans une école blanche et catholique, ils lui ont appris à surtout ne pas devenir comme eux...
Eddy Louis Harris a été à l'université, est devenu cadre chez IBM puis écrivain.
Il a eu besoin toute sa vie de chercher qui il était en remettant son destin dans les mains du voyage.
Il est d'abord parti seul descendre le Mississipi, Missipi Solo, puis, a voyagé en Afrique, à la recherche de racines introuvables, "Native Stranger".
Il a ensuite entrepris un périple à travers le sud des états unis, pays de l'esclavage et de l'apartheid, "South of haunted dreams". Enfin, il a éprouvé le besoin de retourner à Harlem, se fondre dans ce quartier pour une immersion de deux ans durant laquelle il a continué à se chercher.
Aux aguets, il tente de découvrir la place qu'il veut avoir dans ce monde, et il écrit Harlem.
Nous le retrouvons avec les mêmes questions sur l'identité et la difficulté d'être soi.
Quels choix de vie opérer pour s'assurer d'être Eddy Harris et rien d'autre ?
Comment se construire un avenir sans s'entraver dans les pièges du passé.
Comment reconnaître ses propres désirs quand on est plein des rêves et des espoirs des générations précédentes ?
Pourquoi avoir délaissé Harlem, pourquoi ne pas y revenir ? Pourquoi y revenir ?
Peut-on ? doit-on ? se libérer de la culpabilité d'avoir réussi à échapper à la condition peu enviable des gens prisonniers de Harlem, de sa misère, de son abandon, de sa violence et de sa décrépitude ?
Harlem a été le rêve emblématique d'une vie meilleure et libre pour des milliers de migrants du Sud. Quelques cent ans plus tard, ce n'est que désespoir et pauvreté qui rodent à tous les coins de rue.
Comment cette histoire si bien commencée a-t-elle pu si mal finir ?
C'est ce que tente de nous raconter l'auteur avec son style propre qui mêle les portraits des gens qu'il rencontre aux souvenirs qu'ils lui évoquent de son enfance ou des histoires colportées par son père.
Il croise savamment les descriptions des lieux avec une introspection constante qui le fait aller toujours au plus près, au plus juste de la pensée et du ressenti.
En fermant ce livre, j'ai très envie de découvrir le premier qu'il a écrit : "Mississipi Solo"... Merci aux éditions Liana Levi de bien vouloir faire paraître sa traduction, juste pour moi....:)
En fait, je crois que j'ai envie de suivre tous ses voyages, parce que finalement, ils n'en font qu'un...
Parcours initiatiques vers une vie d'homme, libre, digne, sincère et honnête... Un Ulysse des temps modernes en quête vers la vie bonne...
"Elle me faisait soudain penser à mon père, qui, à présent qu'il prend mon écriture au sérieux, me voit lui aussi comme une sorte de témoin, quelqu'un qui dira ce qui doit être dit, car rien ne survit simplement parce que ça a existé autrefois; sans aucune trace les vies disparaissent. Ce sont les conteurs qui se souviennent et racontent leurs histoires, les écrivains qui les recréent et les maintiennent en vie. Et l'histoire de Harlem, tout comme celle de mon père, tout comme tant d'autres histoires, a besoin de survivre afin que les enfants de Harlem et nos enfants et les enfants de nos enfants sachent un jour ce que, pour eux, les gens ont enduré et surmonté. C'est ainsi qu'ils pourront un jour puiser leur force à la force de ceux qui les ont précédés, et tirer fierté de leur fierté, courage de leur courage. Ne serait-ce que pour cette raison, je sentais que j'avais besoin d'être là."
"La vie est une question de choix, j'en ai pris le parti, la vie et les mauvaises passes où nous nous trouvons. Tout se réduit à ce que nous choisissons, et à ce que les autres choisissent pour nous. Que nous le sachions ou ne l'ayons jamais remarqué, quelqu'un fait pour nous - très souvent nous-mêmes et tout aussi souvent d'autres -les choix qui semblent affecter jusqu'à notre souffle, jusqu'à nos pensées, et tout ce que nous entreprenons ou cherchons à entreprendre, tout ce que nous sommes. Et il ne nous reste, après tous ces choix acceptés ou non, aucun choix, en somme."
"C'était peut-être naïf d'espérer qu'on pourrait peut-être un jour - nous tous, pas seulement les noirs - être jugés d'après notre coeur, comme disait le Dr King, et pas d'après la couleur de notre peau. ça ne serait pas génial si on n'était pas coincé dans l'abjection, si notre destin n'était pas soumis au caprice des blancs ? Pourquoi on ne peut pas avoir le destin qu'on choisit, nous , Ce n'est pas ça qu'ils nous ont promis ? Qu'avec la bonne dose d'effort, la juste dose de persévérance, et même, ouais, la juste dose de chance, on pouvait s'élever et réussir, avoir n'importe qu'elle vie et être n'importe qui, si on était suffisamment déterminé ? Mais c'est un mensonge. Qui a persévéré davantage que le peuple noir ? Qui a travaillé plus dur et pour moins de récompense que nous autres ? Peut-être ça doit tenir à la dose de chance, parce qu'on a eu vraiment pas de chance."
Le dernier livre d'Eddy L. Harris est sur Paris, parions qu'il y prolonge ses questionnements identitaires...

Un sang d'encre
par La_Huit
Le site de l'auteur,
La présentation de l'éditeur,
Les fiches pédagogiques de lettres du monde et musique de nuit,
Un article de Michel Bussot sur routard.com
Un autre sur Aquitaine on line,
Wodka en parle, Mustapha Harzoune aussi,
Quelques extraits sur Littérature et jazz,
Une belle note de lecture de Sylvain Morin,
Un beau billet sur Puzzle et poussières,
Deux commentaires très intéressants renvoyant à d'autres lectures visitant la "douloureuse expérience d'être soi"sur le blog de Frédéric Ferney à propos de : "les généalogies" de Margo Glantz.

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Sylvielectures 39 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Dossier Paperblog

Magazines