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Romaine par moins 30

Par Rob Gordon

ROMAINE PAR MOINS 30

Il y a treize ans déjà sortait Romaine, compilation de trois courts mettant en scène l'héroïne créée et interprétée par Agnès Obadia et faisant état de ses rencontres, ses problèmes relationnels et ses mésaventures assez inattendues. Romaine n'a visiblement jamais quitté l'esprit d'Obadia, qui renoue avec elle pour un long-métrage marquant une sérieuse rupture côté forme, le fond (ou l'absence de fond) ayant en revanche peu évolué. Et voilà donc Sandrine Kiberlain, interprète aussi singulière mais beaucoup plus convaincante qu'Agnès Obadia. Et voilà aussi une vraie caméra, le style cracra de l'époque étant avantageusement remplacé par une esthétique plus classique et plus classe, qui tire parfaitement profit des paysages canadiens.
Le ton, lui, est resté le même : Romaine est toujours cette fille sans passion, sans élan, sans courage, qui se laisse porter par une vie riche en mauvaises surprises. D'où une comédie cocasse et rocambolesque, souvent inattendue à défaut d'être vraiment drôle, mais qui ne cherche de toute façon jamais à provoquer l'hilarité. Agnès Obadia et ses trois (!) coscénaristes préfèrent travailler le côté décalé de leur héroïne et des situations dans lesquelles elle s'engouffre. C'est léger, sans aucune (mais alors aucune) prétention, pas le genre de comédie qui hantera nos nuits pour longtemps. Ce que propose Romaine par moins 30, c'est du plaisir immédiat ou rien, et le spectateur a le choix : il peut apprécier le voyage ou s'emmerder copieusement, calquant son humeur sur celle d'une Romaine éternellement insatisfaite et perpétuellement blasée.
Reste donc la question de l'utilité d'une telle oeuvre, dont l'originalité n'est pas suffisamment prononcée pour attirer le public en masse, et dont l'ambition artistique n'a rien de démesuré. Au moins, le Romaine de 1996 bénéficiait de la crudité et de l'impudeur de sa scénariste, qui ne s'autorisait aucune limite question dialogues et qui n'hésitait pas à user et abuser de la nudité de ses personnages pour les rendre parfois attirants et surtout pathétiques. Ici on a l'impression qu'au contraire, la Obadia team s'est auto-censurée pour être certaine de produire un film entrant bien dans le moule et ne risquant pas d'être rejeté par les multiplexes. Une blague sur les hémorroïdes ici, une paire de seins là : c'est tout ce qui semble demeurer de l'Obadia d'alors, aussi débordante d'idées mais moins libre d'esprit que par le passé.

5/10
(également publié sur Écran Large)
(autre critique sur Sur la route du cinéma)


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