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Oui je vous hais, vous les gothiques, vos affreuses mines fardées me plongent dans des abîmes de perplexité et que dire de votre hypocondrie sociale, ô pâles figures effarées de la dépression moderne, que croyez-vous, votre pseudo romantisme d’adolescents boutonneux dont le fond de tain vampirique suffit à peine à masquer l’outrageante bêtise de votre inaptitude patente ne vaut rien, que dalle, nada face à la seule vérité de l’Histoire car au fond, qu’est-ce que le gothique sinon ce mouvement architectural qui marqua l’Europe occidentale de son empreinte du XIIe au XVe siècle, surtout pas cette pantalonnade qui vous tient lieu de culture vous dont la bouffonnerie macabre m’accable de désespérance chronique, vous dont la sinistrose calculée n’a d’équivalence que la platitude de vos vies merdiques et provinciales ou banlieusardes mais retournez-y fissa et avec vos plateformes boots, vous irez plus vite, vils engeances de la médiocrité télévisuelle de mes couilles gonflées par tant de colère, vous qui singez les codes édictés par d’autres avec une forme d’automatisme hagard tels des zombies blafards, merde, vous pensez êtres des vampires « charmants » en arpentant la nuit les cimetières comme des pseudo suceurs de mort, mais vous n’êtes que des Tom Cruise acculturés, d’ignobles échassiers stupidement anorexiques affublés de longs pardessus noir qui vous font ressembler, de jours comme de nuits, à des Walker Texas Ranger de la mélancolie urbaine, oh vous invoquez les figures mythiques du romantisme mais que savez-vous des Lautréamont, Nerval et autres Byron, sans doute ces noms vous sont-ils étrangers, connards livides égocentriques dont l’inertie blême rendrait neurasthénique un danseur de hip hop, vous m’écœurez d’incompréhension fulminante, de stupeur abrasive mais suicidez-vous donc espèces de résidus figés de vomi compulsif, ayez au moins le courage de vos opinions, foutez-vous dans une foutue baignoire et ouvrez-vous les veines, ce serait à n’en point douter un fait d’arme à la hauteur de vos bottines cloutées grotesques, mais non, vous en êtes incapables parce que, et c’est là l’ironie du sort, vous jouez du désenchantement universel, vous en acceptez les usages, les règles, mais renoncez à passer à l’acte, vous préférez balader jusque dans les catacombes de Paris vos noires silhouettes ombrageuses et dégueulassement outrées par le regard amusé de la normalité, vous croyez émerger de la masse des anonymes, certes les hurlements intérieurs que vous provoquez tout naturellement y contribuent partiellement mais au fond vous n’êtes qu’une tendance parmi tant d’autres, mais le pire est ailleurs, c’est que vous pensez avoir le monopole du goût, ô putain de Freaks Caverneux, vous vous gavez d’immondices cinématographiques, clipesques et musicales, car enfin merde, comment peut-on croire un seul instant à ces légions de braillards métalliques sataniques qui confondent électricité moite et bruit dégénérescent, comment peut-on se laisser un temps soit peu séduire par cette esthétique pauvre qui se complaît à montrer des prédateurs de la nuit tout de cuir vêtus maniant le uzi et la rapière sur fond de techno hard et d’adynamie moderne, tout cela me laisse dans un état de stupéfaction interdite, et je ne peux m’empêcher de méditer en mon for intérieur à l’expression béante de votre ignorance abyssale, alors oui, ô vils fantômes patibulaires et cafardeux, vous ne savez rien d’Alice Cooper, pas même qu’il s’agit d’un groupe avant d’être le pseudonyme du chanteur, Vincent Furnier, vous ignorez tout de son sens caché, vous qui vous prévalez d’être les auxiliaires dévoués de Satan, les rejetons légitimes de Belzébuth, car Alice Cooper fut une des sorcières de Salem, brûlée au 17e siècle pour commerce avec le diable, et on est loin de vos prétendus sabbats dansés dans les cryptes les soirs de pleine lune, ô faciès émaciés de l’aphasie intellectuelle, mais revenons à nos gentils zigotos rockers, saviez-vous seulement qu’ils avaient inventé bien avant vous la théâtralité électrique, que leurs prestations portaient déjà ce doux parfum de soufre et alors que vous restez aujourd’hui au purgatoire, Furnier et sa bande officièrent dans les enfers de l’industrie rock californienne avec des shows dantesques, sexuels, puissants et d’une noirceur toute zappaïenne loin de vos simili messes païennes de petits branleurs de jais, mais vous ne pouvez pas savoir que derrière cette mise en scène géniale et grand-guignolesque, il y avait des putains de chansons hard pop, savamment construites et Killer, quatrième album paru en 1971, en est la preuve évidente, cinglante, bordel, en huit morceaux ces mecs-là posent des bases, des jalons et il convient de saluer au passage la production superbe du tout jeune Bob Ezrin qui truffe l’album d’idées ingénieuses comme il le fera plus tard sur Berlin de Lou Reed (les pleurs d’enfants) et The Wall de Pink Floyd, huit bombes qui savent triturer l’héritage rock’n’roll comme dans Dead Babies, Halo Of Flies et Killer, les trois piliers de l’opus qui déroulent tous les codes d’un prog rock emphatique, cathartique, où les chœurs beatlesiens affrontent des nappes d’orgue dramatico-planantes, où chaque tiroir déballe comme une boîte de Pandore son riff cataclysmique, mais au fond vous vous en tapez comme de votre première boîte de maquillage bande d’esthéticiens coiffeurs du mal-être de masse, mal-être qui fut promptement et éternellement mis en lumière par Alice dans Desperado, magnifique compo dédiée à feu Jim Morrison qui lui en connaissant tout un rayon côté déprime poétique, sans doute pensez-vous dans votre crâne « Mais qui diable est Jim Morrison » ce qui pourrait bien ajouter un argument de plus à la détestation viscérale que je cultive à votre endroit, car pour reprendre un titre de Killer, You Drive Me Nervous, vous comprenez et si d’aventure vous tombiez Under My Wheels, je n’hésiterais pas à vous écraser comme des merdes odoriférantes, ô goules taciturnes et cireuses dépourvues d’âme, tristement informelles, sans prestance, sans sourire ni battement de cil, figées pour l’éternité dans un anticonformisme crétin ; oui je vous hais.