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Patrick Chamoiseau : L'esclave vieil homme et le molosse

Par Gangoueus @lareus
Les auteurs antillais inspirent beaucoup mes lectures ces derniers temps. J'ai du être beaucoup plus influencé que je ne le pensais, par les grèves générales qui ont secoué les DOM-TOM en début d'année.
Patrick Chamoiseau : L'esclave vieil homme et le molosse
Patrick Chamoiseau n'est plus à présenter. Prix Goncourt pour son roman Texaco, grand défenseur de la créolité, j'ai profité de ce texte assez court pour pénétrer dans l'univers de cet auteur antillais.
L'esclave vieil homme a toujours vécu sur l'Habitation. On ignore son âge. Est-il né sur la plantation? Est-il un déporté? Il a toujours été là. Sans progéniture, travaillant avec soumission dans la sucrerie de son maître. Il fascine et fait travailler l'imaginaire des autres esclaves de la propriété. Il ne participe pas aux manifestations collectives qui rassemblent ces derniers après les dures journées de labeur. Vieux, seul en proie à ses décharges. Entendez par là, une soudaine et irrestistible envie de marronner ou encore de briser la nuque de son maître ou son contremaître que pouvait ressentir certains esclaves. Le vieil n'a jamais admis son statut. Quand il voit débarquer le terrible molosse que le maître à fait venir d'au-delà les mers pour mater toute initiative de fuite de ses esclaves, l'esclave vieil homme marronne.
L'histoire de cette traque entre l'Inommable, le monstre et l'esclave vieil homme peut d'une certaine manière faire écho à ces grands textes qui ont vu le combat de l'homme avec l'animal, je pense Hemingway, Sepulvéda, Melville... Sauf, qu'ici la proie est l'homme.
C'est dans un étrange conte métaphysique que nous entraîne Patrick Chamoiseau. Dans un style qu'il faut prendre le temps d'apprivoiser. Je n'ai personnellement pas réussi cet exercice. L'influence du créole, son intrusion dans le texte est trop lourde sans que le lecteur non averti ait une note explicative. La formulation très ampoulée de Chamoiseau - dans ce roman - me fait penser à certains auteurs africains qui au sortir des indépendances, usaient d'une forme d'expression très élaborée qui nuisait à la profondeur de leurs textes ( de mon point de vue).
Sur le fond, j'ai eu l'impression que ce texte conduit vers une impasse. On y pressent l'idéologie de la créolité. Je ne peux aller plus loin. Je reste perplexe. Il me faudra sûrement lire un autre texte de cet auteur pour me faire une opinion. Néanmoins, un aspect intéressant de ce texte, est qu'il offre plusieurs niveaux de lecture.
A propos de la décharge

La décharge l'avait flagellé à maintes reprises. Nul n'en avait rien su. Certains ne l'éprouvaient qu'une fois dans leur vie, mais lui l'avait subie presque chaque jour. Jour après jour, et plus souvent quand elle s'épuisait chez les autres. La première fois, elle l'avait tordu sur le sol de sa case, en pleine nuit, avec l'envie irrépressible de hurler-anmoué, de dé-courir, de saisir-déraidir, d'étrangler quelque chose.

Page 49, éd. Gallimard, Coll. Folio
A propos du molosse
Il retrouve dans le molosse la catastrophe qui l'habite. Une fureur sans pupilles, qui rue de loin. Ce chaos intérieur charrie des choses qui ne lui sont pas intimes. Il paraît possédé par d'autres présences que la sienne, mais son moi, son être lui-même, il ne le trouve nulle part, aucune vertèbre de mémoire, aucun paradigme constructeur, pièce nervure d'un temps où il a été quelque chose de distinct. Rien que ce bouillonnement de violences de dégoûts, de désirs,
d'impossibles : ce magma qui s'exalte dans l'Habitation et qui le constitue au plus vital de son nombril. Et le molosse est aussi comme cela. Mais dans l'impressionnante férocité de l'animal, cette catastrophe a pris convergence : elle s'est transformée en une foi aveugle capable de maîtriser ce trouble né du bateau.

Page 50, éd. Gallimard, coll. Folio
Bonne lecture,
Patrick Chamoiseau : L'esclave vieil homme et le molosse
Patrick Chamoiseau, L'esclave vieil homme et le molosse
Edition Gallimard, Collection Folio, 1ère parution 1997, 147 pages
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